Décision

Décision n° 2002-2761 AN du 10 octobre 2002

A.N., Martinique (1ère circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Anicet TURINAY, demeurant à Gros-Morne (Martinique), enregistrée à la préfecture de la Martinique le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1ère circonscription de la Martinique pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire en défense présenté par M. Louis-Joseph MANSCOUR, député, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 22 juillet 2002 ;

Vu le mémoire complémentaire présenté par M. TURINAY, enregistré comme ci-dessus le 19 août 2002 ;

Vu le mémoire complémentaire présenté par M. MANSCOUR, enregistré comme ci-dessus le 9 septembre 2002 ;

Vu les observations du ministre de l'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus les 1er août et 8 août 2002 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX OPÉRATIONS ÉLECTORALES DANS LEUR ENSEMBLE :

1. Considérant qu'à l'appui de sa contestation dirigée contre les opérations du second tour du scrutin, M. TURINAY prétend qu'il a fait l'objet de propos diffamatoires, que ses affiches ont disparu des emplacements réservés et que M. MANSCOUR a bénéficié d'un affichage massif aux abords des bureaux de vote ; que ces griefs ne sont assortis d'aucun élément permettant de tenir les faits pour établis ; qu'ils ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;

2. Considérant que la manière dont la chaîne de télévision RFO-Martinique a, au soir du second tour et après la clôture du scrutin, rendu compte des opérations de dépouillement est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du scrutin ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX OPÉRATIONS DU SECOND TOUR DANS LA COMMUNE DE SAINTE-MARIE :

3. Considérant que, dans plusieurs bureaux de vote de la commune de Sainte-Marie, le scrutin n'a pu s'ouvrir à huit heures, en violation des dispositions de l'article R. 41 du code électoral ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que ces retards dans l'ouverture de bureaux de vote qui n'ont le plus souvent pas atteint une heure, auraient effectivement empêché certains électeurs de participer au vote ou altéré la sincérité du scrutin ;

4. Considérant que la circonstance qu'un bureau de vote a ouvert avec retard ne saurait, par elle-même, justifier une fermeture de ce bureau au-delà de l'heure légale de clôture du scrutin ; qu'ainsi, M. TURINAY ne peut utilement soutenir que les bureaux de vote de Sainte-Marie auraient dû fermer après dix-huit heures en raison de leur ouverture tardive ;

5. Considérant que, si M. TURINAY fait état de « pressions » effectuées par des personnes, installées à l'extérieur des bureaux de vote, qui incitaient les électeurs de Sainte-Marie à ne pas aller voter, et s'il produit des témoignages en ce sens, ces dires ne sont corroborés, ni par les rapports des délégués de la commission de contrôle des opérations de vote, ni par les constats opérés par les patrouilles de gendarmerie présentes sur les lieux ; qu'il suit de là que les faits allégués, à les supposer établis, ne peuvent être regardés comme ayant altéré la sincérité du scrutin ; qu'il en est de même des prétendus « incidents graves » dont il est fait état, sans aucune précision, dans les bureaux de vote de Pain de Sucre et de Bezaudin ;

6. Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que tous les bureaux de vote de Sainte-Marie n'auraient pas eu quatre assesseurs, et que, en raison de l'absence momentanée de certains d'entre eux, les opérations de vote se seraient parfois déroulées en présence de moins de trois membres du bureau, n'est pas de nature à altérer la sincérité du scrutin, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que de telles absences auraient eu pour but ou pour effet de favoriser des fraudes ; qu'il en est notamment ainsi, quelque regrettable qu'elle soit, de l'absence délibérée pendant toute la journée de M. LORDINOT, maire de Sainte-Marie et président du bureau de vote n°1 ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX OPÉRATIONS DU SECOND TOUR DANS LA COMMUNE DE TRINITÉ :

7. Considérant que M. TURINAY soutient, sur la foi de déclarations écrites émanant des assesseurs désignés par lui pour siéger dans les bureaux de vote n°S 1, 2, 5, 6 et 11 de la commune de Trinité, que ces assesseurs auraient été empêchés de participer auxdits bureaux de vote, en raison de l'opposition des présidents de ces bureaux, désignés par M. MANSCOUR en sa qualité de maire de Trinité ; que toutefois, ces déclarations ne sont pas corroborées par les procès-verbaux desdits bureaux de vote, qui ont été signés sans observations, le jour du scrutin, par les assesseurs concernés ; qu'elles sont également contredites par des attestations écrites émanant des délégués de M. TURINAY pour les bureaux en cause ; qu'ainsi, les faits ne sauraient être regardés comme établis ;

8. Considérant que, si M. TURINAY relève des discordances, dans certains bureaux de vote, entre le nombre de suffrages exprimés mentionné dans les procès-verbaux et le nombre qui figure sur les feuilles de pointage jointes aux procès-verbaux, il résulte de l'instruction que le pointage s'est effectué, lors du dépouillement, sur d'autres documents que ceux qui sont joints aux procès-verbaux ; que cette méconnaissance des dispositions de l'article R. 68 du code électoral, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait toutefois être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas soutenu, que le nombre de suffrages figurant au procès-verbal serait erroné ;

9. Considérant que M. TURINAY soutient que le nombre d'émargements, tel qu'il a été arrêté sur les listes de plusieurs bureaux de vote, ne correspond pas au nombre effectif des émargements ; que cette circonstance est cependant sans incidence sur la régularité du scrutin, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu, que le nombre d'émargements portés aux procès-verbaux de ces bureaux ne correspondrait pas aux émargements effectifs, ou que le nombre de ces derniers différerait du nombre de bulletins trouvés dans l'urne ;

10. Considérant que, si la déléguée de M. TURINAY au bureau de vote n° 9 a porté au procès-verbal le signalement de trois électeurs dont elle contestait la validité du vote, ces contestations sont en tout état de cause dépourvues d'incidence sur le résultat du scrutin ;

SUR LE GRIEF RELATIF AUX OPÉRATIONS DU SECOND TOUR DANS LES COMMUNES DE GRAND-RIVIÈRE ET DE SAINT-JOSEPH :

11. Considérant que le requérant se borne à soutenir que les listes d'émargement n'auraient pas été « arrêtées, en lettres et en chiffres », après la clôture du scrutin, dans plusieurs bureaux de vote desdites communes ; qu'il ne soutient toutefois ni que ces listes n'auraient pas été signées par les membres des bureaux conformément aux dispositions de l'article R. 62 du code électoral, ni que les nombres d'émargements figurant aux procès-verbaux seraient entachés d'erreurs, ni que ces nombres différeraient des nombres de bulletins trouvés dans l'urne ; que le grief doit, dès lors, être écarté ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX OPÉRATIONS DU SECOND TOUR DANS LA COMMUNE DE MACOUBA :

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le jour du scrutin, le délégué de M. MANSCOUR au bureau de vote de Macouba s'est livré à des actes de propagande électorale sur la voie publique, en procédant notamment à la distribution de bulletins de vote au nom de M. MANSCOUR ; que toutefois, cet incident très limité dans le temps ne saurait être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. TURINAY doit être rejetée,

Décide :
Article premier :
La requête de M. Anicet TURINAY est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 octobre 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240
Recueil, p. 368
ECLI : FR : CC : 2002 : 2002.2761.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.2. Bureaux de vote
  • 8.3.6.2.2. Composition des bureaux de vote

La circonstance, à la supposer établie, que tous les bureaux de vote d'une commune n'auraient pas eu 4 assesseurs, et que les opérations de vote se seraient parfois déroulées en présence de moins de 3 membres du bureau, n'est pas de nature à altérer la sincérité du scrutin, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que de telles absences auraient eu pour but ou pour effet de favoriser des fraudes.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 6, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.3. Durée du scrutin

Dans plusieurs bureaux de vote, le scrutin n'a pu s'ouvrir à 8 heures, en violation des dispositions de l'article R. 41 du code électoral. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces retards dans l'ouverture de bureaux de vote qui n'ont le plus souvent pas atteint une heure, auraient effectivement empêché certains électeurs de participer au vote ou altéré la sincérité du scrutin. La circonstance qu'un bureau de vote a ouvert avec retard ne saurait, par elle-même, justifier une fermeture de ce bureau au-delà de l'heure légale de clôture du scrutin.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 3, 4, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.13. Incidents divers

Le jour du scrutin, le délégué d'un candidat dans un bureau de vote s'est livré à des actes de propagande électorale sur la voie publique, en procédant notamment à la distribution de bulletins de vote. Toutefois, cet incident très limité dans le temps ne saurait être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 12, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.9. Établissement des procès-verbaux et de leurs annexes
  • 8.3.6.9.1. Feuilles de dépouillement et feuilles de pointage

Il résulte de l'instruction que le pointage s'est effectué, lors du dépouillement, sur d'autres documents que ceux qui sont joints aux procès-verbaux. Cette méconnaissance des dispositions de l'article R. 68 du code électoral, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait toutefois être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le nombre de suffrages figurant au procès-verbal serait erroné.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 8, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)

Il est soutenu que le nombre d'émargements, tel qu'il a été arrêté sur les listes de plusieurs bureaux de vote, ne correspond pas au nombre effectif des émargements. Circonstance sans incidence sur la régularité du scrutin, dès lors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu, que le nombre d'émargements portés aux procès-verbaux de ces bureaux ne correspondrait pas aux émargements effectifs, ou que le nombre de ces derniers différerait du nombre de bulletins trouvés dans l'urne.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 9, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)

Il est allégué que les listes d'émargement n'auraient pas été " arrêtées, en lettres et en chiffres ", après la clôture du scrutin, dans plusieurs bureaux de vote. Il n'est toutefois soutenu, ni que ces listes n'auraient pas été signées par les membres des bureaux, ni que les nombres d'émargements figurant aux procès-verbaux seraient entachés d'erreurs, ni que ces nombres différeraient des nombres de bulletins trouvés dans l'urne. Rejet.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 11, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.8. Griefs qui ne sont assortis d'aucun commencement de preuve

Griefs tirés de propos diffamatoires, du fait que les affiches du requérant auraient disparu des emplacements réservés et que son adversaire du second tour aurait bénéficié d'un affichage massif aux abords des bureaux de vote. Ces griefs, qui ne sont assortis d'aucun élément permettant de tenir les faits pour établis, ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 1, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)

Le requérant fait état de " pressions " effectuées par des personnes, installées à l'extérieur des bureaux de vote, qui incitaient les électeurs d'une commune à ne pas aller voter, et produit des témoignages en ce sens. Ces dires ne sont cependant corroborés ni par les rapports des délégués de la commission de contrôle des opérations de vote, ni par les constats opérés par les patrouilles de gendarmerie présentes sur les lieux. Il en est de même de prétendus " incidents graves " dont il est fait état, sans aucune précision, dans les bureaux de vote de deux communes.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 5, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)

Le requérant soutient, sur la foi de déclarations écrites émanant des assesseurs désignés par lui pour siéger dans certains bureaux de vote, que ces assesseurs auraient été empêchés d'y participer. Ces déclarations ne sont pas corroborées par les procès-verbaux desdits bureaux de vote, qui ont été signés sans observations, le jour du scrutin, par les assesseurs concernés. Elles sont également contredites par des attestations écrites émanant des délégués du candidat élu pour les bureaux en cause. Ainsi, les faits ne sauraient être regardés comme établis.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 7, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.9. Griefs inopérants

La manière dont la chaîne de télévision RFO-Martinique a, au soir du second tour et après la clôture du scrutin, rendu compte des opérations de dépouillement est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du scrutin.

(2002-2761 AN, 10 octobre 2002, cons. 2, Journal officiel du 17 octobre 2002, page 17240)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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