Décision

Décision n° 2002-2697 AN du 21 novembre 2002

A.N., Paris (17ème circ. )
Annulation

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Patrick STEFANINI, demeurant à Paris, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 17ème circonscription de Paris pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire en défense présenté par Mme Annick LEPETIT, député, enregistré comme ci-dessus le 26 juillet 2002 ;

Vu les mémoires en réplique présentés par M. STEFANINI, enregistrés comme ci-dessus les 31 juillet, 7 août et 9 août 2002 ;

Vu les nouveaux mémoires présentés par Mme LEPETIT, enregistrés comme ci-dessus les 11 septembre et 10 octobre 2002 ;

Vu les nouveaux mémoires présentés par M. STEFANINI, enregistrés comme ci-dessus les 19 septembre, 11 et 28 octobre 2002 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 19 septembre 2002 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 9 octobre 2002, approuvant le compte de campagne de Mme LEPETIT ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en date du 14 octobre 2002, approuvant le compte de campagne de M. STEFANINI ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LA REQUÊTE DE M. STEFANINI :

1. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le compte de campagne de Mme LEPETIT comporte le montant de la dépense correspondant à la distribution aux électeurs de la circonscription d'une lettre de soutien du maire de Paris ; que M. STEFANINI n'est dès lors pas fondé à demander que Mme LEPETIT soit déclarée inéligible pour avoir omis de faire figurer cette dépense dans son compte de campagne ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pendant la nuit du vendredi 14 au samedi 15 juin 2002, ont été apposées sur les panneaux électoraux de M. STEFANINI de petites affiches de couleur vive reproduisant un article publié dans la presse, comportant une liste de candidats de l'Union pour la majorité présidentielle ayant fait l'objet d'une mise en examen ; que le nom de M. STEFANINI, qui figurait sur cette liste, avait été souligné et encadré de flèches par les responsables de cet affichage afin de le mettre en évidence ; que le titre et le commentaire qui avaient été ajoutés à l'article visaient à en accroître l'impact ; que ces affiches sont demeurées sur les panneaux électoraux pendant une partie de la journée du 15 juin et que certains panneaux en étaient encore pourvus le 16 juin ; que cet affichage a été en outre constaté aux mêmes dates en dehors des panneaux électoraux ; que, si le nom de M. STEFANINI avait été mentionné, parmi ceux de personnalités politiques mises en examen en juin 2000, dans des articles publiés par certains quotidiens à cette époque ainsi que pendant la période précédant les opérations électorales des 9 et 16 juin 2002, il est constant que la mise en cause personnelle du candidat n'avait pas été au nombre des thèmes principaux de la campagne électorale dans la circonscription où celui-ci se présentait, antérieurement à l'affichage constaté les 15 et 16 juin 2002 ; que cet affichage massif, à une date ne permettant pas au candidat de répondre à cet élément nouveau de la polémique électorale dans la circonscription, a été de nature, compte tenu du faible écart de voix séparant M. STEFANINI de la candidate élue, à fausser les résultats du scrutin ; qu'il y a lieu, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni d'entendre les observations orales de Mme LEPETIT, d'annuler l'élection attaquée ;

SUR LE COMPTE DE CAMPAGNE DE M. STEFANINI :

3. Considérant que l'article L.O. 186-1 du code électoral permet au Conseil constitutionnel, sans qu'il y ait nécessairement intervention préalable de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de tirer les conséquences d'une situation à l'égard de laquelle l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du même code, dans l'hypothèse où les opérations électorales de la circonscription ont été régulièrement contestées devant lui ;

4. Considérant qu'il n'est établi ni que le coût de fabrication et de distribution du matériel de propagande de M. STEFANINI serait supérieur au montant figurant dans les dépenses de son compte de campagne, ni que d'autres dépenses exposées en vue de l'élection y auraient été omises ;

5. Considérant qu'il n'est pas davantage établi que les pages du numéro de mai-juin 2002 de la revue « Municipalités magazine » relatant la candidature de M. STEFANINI auraient été réalisées avec l'accord du candidat ; que celui-ci ne saurait dès lors être regardé comme ayant bénéficié de ce fait d'un don d'une personne morale prohibé par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral ;

6. Considérant qu'il n'y a lieu, dès lors, ni de rejeter le compte de campagne de M. STEFANINI, ni de le déclarer celui-ci inéligible,

Décide :
Article premier :
Les opérations électorales qui ont eu lieu les 9 et 16 juin 2002 dans la 17ème circonscription de Paris sont annulées.
Article 2 :
Les conclusions présentées par Mme Annick LEPETIT tendant à ce que M. Patrick STEFANINI soit déclaré inéligible sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 novembre 2002 où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

Journal officiel du 27 novembre 2002, page 19538
Recueil, p. 476
ECLI : FR : CC : 2002 : 2002.2697.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.1. Affiches
  • 8.3.3.1.6. Affiches recouvertes ou lacérées

Apposition, la veille du second tour, sur les panneaux électoraux du requérant, de petites affiches de couleur vive évoquant la mise en examen de l'intéressé. Cet affichage massif, à une date ne permettant pas au candidat de répondre à cet élément nouveau de la polémique électorale dans la circonscription, a été de nature, compte tenu du faible écart de voix (156), à fausser les résultats du scrutin. Annulation.

(2002-2697 AN, 21 novembre 2002, cons. 2, Journal officiel du 27 novembre 2002, page 19538)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.1. Affiches
  • 8.3.3.1.7. Contenu des affiches

Apposition, la veille du second tour, sur les panneaux électoraux du requérant, de petites affiches de couleur vive reproduisant un article publié dans la presse, comportant une liste de candidats ayant fait l'objet d'une mise en examen. Le nom du requérant, qui figurait sur cette liste, avait été souligné et encadré de flèches par les responsables de cet affichage afin de le mettre en évidence. Le titre et le commentaire qui avaient été ajoutés à l'article visaient à en accroître l'impact. Cet affichage massif, à une date ne permettant pas au candidat de répondre à cet élément nouveau de la polémique électorale dans la circonscription, a été de nature, compte tenu du faible écart de voix (156), à fausser les résultats du scrutin. Annulation.

(2002-2697 AN, 21 novembre 2002, cons. 2, Journal officiel du 27 novembre 2002, page 19538)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1.9. Pressions diverses

Apposition, la veille du second tour, sur les panneaux électoraux du requérant, de petites affiches de couleur vive évoquant la mise en examen de l'intéressé. Cet affichage massif, à une date ne permettant pas au candidat de répondre à cet élément nouveau de la polémique électorale dans la circonscription, a été de nature, compte tenu du faible écart de voix (156), à fausser les résultats du scrutin. Annulation.

(2002-2697 AN, 21 novembre 2002, cons. 2, Journal officiel du 27 novembre 2002, page 19538)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte

Dès lors qu'il n'est pas établi que les pages du numéro de mai-juin 2002 de la revue " Municipalités magazine " relatant la candidature de M. S. auraient été réalisées avec son accord, celui-ci ne saurait être regardé, en tout état de cause, comme ayant bénéficié de ce fait d'un don d'une personne morale prohibé par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral.

(2002-2697 AN, 21 novembre 2002, cons. 5, Journal officiel du 27 novembre 2002, page 19538)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.8. Intervention du Conseil constitutionnel en application des articles L.O. 136-1 et 186-1 du code électoral

L'article L.O. 186-1 du code électoral permet au Conseil constitutionnel, sans qu'il y ait nécessairement intervention préalable de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de tirer les conséquences d'une situation à l'égard de laquelle l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du même code, dans l'hypothèse où les opérations électorales de la circonscription ont été régulièrement contestées devant lui.

(2002-2697 AN, 21 novembre 2002, cons. 3, 4, 5, 6, Journal officiel du 27 novembre 2002, page 19538)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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