Décision

Décision n° 2001-447 DC du 18 juillet 2001

Loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 28 juin 2001, par MM. Henri de RAINCOURT, Alain VASSELLE, Jean-Paul AMOUDRY, Philippe ARNAUD, Jean ARTHUIS, Bernard BARRAUX, Jacques BAUDOT, Michel BÉCOT, Jean BERNADAUX, Mme Annick BOCANDÉ, MM. André BOHL, Christian BONNET, James BORDAS, Jean BOYER, Gérard BRAUN, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Michel CALDAGUES, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Marcel-Pierre CLÉACH, Jean CLOUET, Jean-Patrick COURTOIS, Xavier DARCOS, Jean DELANEAU, Jean-Paul DELEVOYE, Robert del PICCHIA, Marcel DENEUX, Gérard DÉRIOT, Charles DESCOURS, Jacques DOMINATI, Michel DOUBLET, Paul DUBRULE, Ambroise DUPONT, Jean-Léonce DUPONT, Daniel ECKENSPIELLER, Jean-Paul ÉMIN, Jean-Paul ÉMORINE, Michel ESNEU, Hubert FALCO, Jean FAURE, André FERRAND, Gaston FLOSSE, Serge FRANCHIS, Yves FRÉVILLE, Yann GAILLARD, René GARREC, Jean-Claude GAUDIN, Philippe de GAULLE, Patrice GÉLARD, François GERBAUD, Paul GIROD, Alain GOURNAC, Pierre GUICHARD, Mme Anne HEINIS, MM. Rémi HERMENT, Alain HETHENER, Daniel HOEFFEL, Jean HUCHON, Jean-Paul HUGOT, Jean-François HUMBERT, Claude HURIET, Jean-Jacques HYEST, Pierre JARLIER, Lucien LANIER, Jacques LARCHÉ, Patrick LASSOURD, René-Georges LAURIN, Jacques LEGENDRE, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Roland du LUART, Jacques MACHET, André MAMAN, Max MAREST, Philippe MARINI, René MARQUES, Paul MASSON, Serge MATHIEU, Michel MERCIER, Louis MOINARD, Paul NATALI, Lucien NEUWIRTH, Joseph OSTERMANN, Jean PÉPIN, Xavier PINTAT, Bernard PLASAIT, Guy POIRIEUX, Ladislas PONIATOWSKI, André POURNY, Jean PUECH, Victor REUX, Henri REVOL, Henri de RICHEMONT, Josselin de ROHAN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Michel SOUPLET, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, René TRÉGOUËT, François TRUCY, Maurice ULRICH, Jacques VALADE, Jean-Pierre VIAL et Serge VINÇON, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée, portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 11 juillet 2001 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, définitivement adoptée le 26 juin 2001, et contestent la conformité à la Constitution des dispositions des articles L. 232-12, L. 232-19 et L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction issue de l'article 1er de la loi déférée, lequel remplace le chapitre II du titre III du livre II dudit code, qui définissait le régime de la prestation spécifique dépendance créée par la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997, par un nouveau chapitre intitulé « Allocation personnalisée d'autonomie » ; qu'ils demandent en outre au Conseil constitutionnel de déclarer inséparables des dispositions du nouvel article L. 232-21 du code précité les articles 8 et 9 de la loi ;

- SUR LES DISPOSITIONS DU NOUVEL ARTICLE L. 232-12 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES :

2. Considérant qu'en vertu de cet article, l'allocation personnalisée d'autonomie, servie par le département, est accordée par décision du président du conseil général sur proposition d'une commission qu'il préside ; qu'est renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités de fonctionnement et la composition de cette commission, qui « réunit notamment des représentants du département et des organismes de sécurité sociale » ;

3. Considérant que, selon les requérants, cette disposition porterait une double atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales inscrit à l'article 72 de la Constitution ; que, d'une part, elle serait « de nature à transformer, de fait, un pouvoir discrétionnaire du président du conseil général en compétence liée » ; que, d'autre part, le législateur, en s'abstenant de préciser la composition de la commission, aurait laissé au pouvoir réglementaire « toute latitude », le cas échéant, pour décider que les représentants du département y seront minoritaires ; qu'il serait ainsi resté en deçà de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ;

4. Considérant qu'en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales de la République « s'administrent librement par des conseils élus » ; que chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ; qu'aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;

5. Considérant qu'en vertu des nouveaux articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, l'allocation personnalisée d'autonomie est une prestation à caractère universel destinée à assurer la prise en charge des personnes âgées dépendantes dans des conditions adaptées aux besoins de celles-ci ; qu'elle est accordée « dans les limites des tarifs fixés par voie réglementaire » ; qu'elle constitue pour les départements une dépense obligatoire ; qu'en contrepartie, ceux-ci perçoivent des dotations versées par un fonds de financement alimenté par une fraction de la « contribution sociale généralisée » ainsi que par une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse ;

6. Considérant, en premier lieu, que si, en vertu de la loi, les départements ont compétence pour attribuer l'allocation personnalisée d'autonomie, allocation d'aide sociale qui répond à une exigence de solidarité nationale, il est loisible au législateur de définir des conditions d'octroi de cette allocation de nature à assurer l'égalité de traitement entre toutes les personnes âgées dépendantes sur l'ensemble du territoire national ; que le législateur pouvait fixer de telles conditions dès lors qu'il n'a pas méconnu les compétences propres des départements, ni privé d'attribution effective aucun organe départemental ;

7. Considérant, en second lieu, que, si l'allocation personnalisée d'autonomie est accordée par le président du conseil général sur proposition de la commission créée par la disposition critiquée, celui-ci reste libre de ne pas suivre cette proposition et d'en demander une nouvelle ; qu'il ressort des débats à l'issue desquels a été adoptée la loi déférée que le législateur a entendu que ladite commission soit composée, en majorité, de représentants du conseil général ; qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de tirer toutes les conséquences de l'intention du législateur ; que, sous cette réserve, le nouvel article L. 232-12 du code de l'action sociale et des familles n'est pas contraire à l'article 72 de la Constitution ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre le nouvel article L. 232-12 du code l'action sociale et des familles doivent être écartés ;

- SUR LES DISPOSITIONS DU NOUVEL ARTICLE L. 232-19 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES :

9. Considérant que le nouvel article L. 232-19 du code de l'action sociale et des familles a pour objet d'exclure le recouvrement des sommes servies au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie « sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire » ;

10. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette disposition créerait une « rupture manifeste d'égalité » entre les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et les bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance, lesquels demeurent soumis aux dispositions de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles qui prévoient le recouvrement des prestations d'aide sociale sur la succession du bénéficiaire, sur le donataire ou sur le légataire de celui-ci ;

11. Considérant qu'il résulte de la loi déférée que l'allocation personnalisée d'autonomie a vocation à se substituer à la prestation spécifique dépendance ; que, si les droits des actuels bénéficiaires de ladite prestation leur sont maintenus par la loi déférée dans les conditions prévues au III de l'article 19, cet article prévoit également que « les personnes bénéficiant, avant l'entrée en vigueur de la présente loi, de la prestation spécifique dépendance peuvent solliciter l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie... », et qu'« il est procédé, au plus tard le 1er janvier 2004 (...) au réexamen des droits au regard de la présente loi des bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance qui n'auraient pas sollicité l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie » ; que, la nouvelle législation poursuivant la même finalité que celle qu'elle remplace et les bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance ayant la possibilité d'opter pour l'allocation personnalisée d'autonomie, il ne saurait être valablement soutenu que le législateur aurait porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi ;

- SUR LES DISPOSITIONS DU NOUVEL ARTICLE L. 232-21 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES ET DES ARTICLES 8 ET 9 DE LA LOI DÉFÉRÉE :

12. Considérant que le I du nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles crée un établissement public national à caractère administratif dénommé « Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie » ; que le II prévoit que les dépenses de ce fonds sont constituées, outre le remboursement de ses frais de gestion, par un concours versé aux départements et par des dépenses de modernisation des services d'aide à domicile, lesquelles sont retracées dans une section spécifique du Fonds ; qu'il résulte du III de cet article que les recettes du Fonds sont constituées, d'une part, par une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse et, d'autre part, par une fraction du produit de la « contribution sociale généralisée » ; qu'en vertu de l'article 8 de la loi, ce fonds est géré par le Fonds de solidarité vieillesse ; que l'article 9 modifie en conséquence la répartition des impositions créées sous le nom de « contribution sociale généralisée » ;

13. Considérant qu'à l'encontre du nouvel article L. 232-21 du code précité, les sénateurs auteurs de la saisine soulèvent plusieurs griefs qui portent, les uns sur les recettes du Fonds, les autres sur ses dépenses ;

- Sur le grief tiré de la violation de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :

14. Considérant que les requérants soutiennent que le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie n'a vocation à figurer ni en loi de finances, ni en loi de financement de la sécurité sociale ; que le Parlement se trouverait ainsi privé du contrôle des contributions publiques qui lui revient en vertu de l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » ;

15. Considérant que la participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse et la fraction du produit de la « contribution sociale généralisée », qui constituent les recettes du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, sont définies par la loi déférée ; qu'en adoptant celle-ci, le Parlement a constaté leur nécessité et y a consenti ; que, conformément au premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, il lui appartiendra d'autoriser chaque année leur perception dans la loi de finances ; qu'en application des dispositions du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution, il lui appartiendra également d'en tirer les conséquences nécessaires dans les lois de financement de la sécurité sociale ;

- Sur les griefs relatifs à l'affectation du produit de la « contribution sociale généralisée » au financement d'une prestation d'aide sociale :

16. Considérant que, selon les requérants, l'affectation exclusive du produit de la « contribution sociale généralisée » au financement de la sécurité sociale constituerait un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; qu'en dérogeant à un tel principe, le législateur méconnaîtrait la Constitution ;

17. Considérant qu'aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ou organique, ne fait obstacle à ce qu'une fraction du produit de la « contribution sociale généralisée », qui relève de la catégorie des « impositions de toutes natures » au sens de l'article 34 de la Constitution, soit employée à d'autres fins que le financement des régimes de sécurité sociale ;

18. Considérant en outre que, si les requérants soutiennent que le prélèvement effectué sur le produit de la « contribution sociale généralisée » diminuerait d'autant les recettes du Fonds de solidarité vieillesse, entraînant ainsi un déficit qui porterait atteinte à l'objectif constitutionnel d'équilibre de la sécurité sociale, il appartiendra à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 de tirer les conséquences des nouvelles dispositions ;

- Sur les griefs tirés de l'incompétence négative dont serait entaché le III du nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles :

19. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que les contributions prévues par la loi déférée en vue de financer les dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie violeraient les prescriptions de l'article 34 de la Constitution ; que le législateur aurait omis de préciser les règles relatives au prélèvement obligatoire opéré sur les régimes de base d'assurance vieillesse ; que l'assiette de l'impôt serait aléatoire, la liste des organismes redevables n'étant pas spécifiée ; que la latitude laissée au pouvoir réglementaire pour en établir le taux serait excessive ; que les modalités de recouvrement de cette participation ne seraient pas définies ; que le législateur, en ne déterminant pas l'affectation des recettes au sein du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, serait également resté en deçà de ses compétences ;

20. Considérant que l'article 34 de la Constitution dispose que : « La loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ;

21. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des dispositions critiquées que les organismes redevables sont les régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse ; que lesdites dispositions définissent l'assiette du prélèvement comme « les sommes consacrées par chacun de ceux-ci en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-2 », qui renvoie à une grille nationale permettant de classer les personnes âgées en fonction de leur perte d'autonomie ; qu'en prévoyant que le taux du prélèvement sera compris entre cinquante pour cent et soixante-quinze pour cent des sommes en cause, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence au regard des dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution ; que, s'agissant des règles de recouvrement, en l'absence de disposition particulière dans la loi, le législateur a entendu renvoyer aux règles de droit commun applicables au recouvrement des créances d'un établissement public administratif ;

22. Considérant, enfin, que la répartition des recettes du Fonds entre ses diverses dépenses ne saurait être utilement contestée au regard des dispositions de l'article 34 de la Constitution relatives à la détermination par le législateur des règles concernant les impositions de toutes natures ;

- Sur les griefs tirés de l'atteinte portée par le II du nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles à l'article 72 de la Constitution et à l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi :

23. Considérant que les requérants font valoir que les règles de financement définies par le II du nouvel article L. 232-21 seraient affectées d'une complexité et d'une contradiction telles qu'elles porteraient atteinte tant au principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution qu'« à l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi » ;

24. Considérant que, sur le fondement des dispositions précitées des articles 34 et 72 de la Constitution, le législateur peut définir des catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire ; que, toutefois, les obligations ainsi mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration ;

. En ce qui concerne le grief tiré du défaut de « pondération des critères » prévus par la loi :

25. Considérant que, selon la saisine, le législateur, s'est abstenu de préciser la pondération qu'il entendait donner à chacun des trois critères présidant au calcul du concours apporté par le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie à chaque département ; qu'il aurait ainsi « laissé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer la vocation de ce fonds (...), soit dans le sens d'une compensation des charges des départements, (...) soit dans le sens d'un soutien aux départements défavorisés » ;

26. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa du II du nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles : « Le montant de ce concours est réparti annuellement entre les départements en fonction de la part des dépenses réalisées par chaque département au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie dans le montant total des dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie constaté l'année précédente pour l'ensemble des départements » ; que le montant ainsi réparti est « modulé en fonction du potentiel fiscal (...) et du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de chaque département » ; qu'il résulte ainsi des termes de la loi, comme de ses travaux préparatoires, que le législateur a défini un critère principal de répartition des concours versés par le Fonds, et que les deux autres critères ne servent qu'à le moduler en fonction de la situation de chaque département quant à ses ressources et à ses autres charges d'aide sociale ; que, dès lors, le législateur a suffisamment précisé, au regard des articles 34 et 72 de la Constitution, les éléments de calcul du concours que le Fonds devra verser à chaque département ;

. En ce qui concerne le grief tiré du caractère « contradictoire et inintelligible » des différentes règles figurant au II du nouvel article L. 232-21 précité et de l'atteinte ainsi portée à la libre administration des départements :

27. Considérant que les requérants soutiennent que, selon l'ordre dans lequel s'articuleront les diverses opérations de répartition, de majoration et d'écrêtement énoncées au II du nouvel article L. 232-21, la loi pourrait, en imposant des règles contradictoires aux départements, entraver leur libre administration ;

28. Considérant qu'il ressort du II du nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles que la contribution du Fonds aux dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie engagées par chaque département résulte, en premier lieu, de la répartition en fonction des trois critères énoncés ci-dessus ; qu'elle est majorée, le cas échéant, en application des septième et huitième alinéas du II, pour les départements dont les dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie, rapportées au nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, excèdent la moyenne nationale d'au moins trente pour cent ; que la contribution qui en résulte ne peut excéder la moitié des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie du département ; que le montant total des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie engagées par chaque département est en outre limité, en vertu du dixième alinéa du II, à une somme égale au produit de quatre-vingts pour cent de la majoration pour tierce personne au 1er janvier 2001 par le nombre de bénéficiaires ; que les dépenses engagées par le département au delà de ce plafond sont prises en charge par le Fonds ; que cette dernière règle permet aux départements dont la dépense dépassera le plafond ainsi fixé par la loi d'appeler le Fonds en garantie à hauteur de ce dépassement ;

29. Considérant, d'une part, que, si la loi déférée accroît la complexité des circuits financiers relatifs à la protection sociale, elle énonce de façon précise et sans contradiction les nouvelles règles de financement qu'elle instaure ; qu'en particulier, elle détermine le concours apporté par le Fonds à chaque département et fixe les clés de répartition du produit des impositions affectées ; qu'il résulte de ce qui précède que la complexité introduite par la loi déférée, pour réelle qu'elle soit, n'est pas à elle seule de nature à rendre celle-ci contraire à la Constitution ;

30. Considérant, d'autre part, que, compte tenu des règles régissant le concours que le Fonds devra apporter aux départements et, en particulier, de la garantie que les dépenses laissées à la charge de chacun d'eux ne seront pas supérieures au seuil déterminé par le dixième alinéa du II, les dispositions critiquées n'ont pas pour effet de restreindre les ressources des départements au point d'entraver leur libre administration et de porter ainsi atteinte au principe constitutionnel figurant à l'article 72 de la Constitution ;

31. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sous ces réserves d'interprétation, les griefs dirigés contre le nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles ainsi que contre les articles 8 et 9 de la loi déférée doivent être rejetés ;

32. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Sont déclarés conformes à la Constitution, sous les réserves énoncées ci-dessus, les dispositions des articles L. 232-12, L. 232-19 et L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles dans leur rédaction issue de l'article 1er de la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, ainsi que les articles 8 et 9 de cette loi.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 juillet 2001, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE et Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743
Recueil, p. 89
ECLI : FR : CC : 2001 : 2001.447.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.4. PRINCIPES FONDAMENTAUX RECONNUS PAR LES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE
  • 1.4.4. Principes non retenus
  • 1.4.4.8. Affectation exclusive du produit de la " contribution sociale généralisée " au financement de la sécurité sociale

Selon les requérants, l'affectation exclusive du produit de la " contribution sociale généralisée " au financement de la sécurité sociale constituerait un principe fondamental reconnu par les lois de la République. En dérogeant à un tel principe, le législateur méconnaîtrait la Constitution. Aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ou organique, ne fait obstacle à ce qu'une fraction du produit de la " contribution sociale généralisée ", qui relève de la catégorie des " impositions de toutes natures " au sens de l'article 34 de la Constitution, soit employée à d'autres fins que le financement des régimes de sécurité sociale.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 16, 17, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.4. Assiette, taux et modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, régime d'émission de la monnaie
  • 3.7.4.1. Recettes publiques
  • 3.7.4.1.1. Prélèvements obligatoires
  • 3.7.4.1.1.3. Impositions de toutes natures - Détermination de l'assiette et du taux

Il ressort des termes mêmes des dispositions critiquées que les organismes redevables sont les régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse. Ces dispositions définissent l'assiette du prélèvement comme "les sommes consacrées par chacun de ceux-ci en 2000 aux dépenses d'aide ménagère à domicile au bénéfice des personnes âgées dépendantes remplissant la condition de perte d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-2", qui renvoie à une grille nationale permettant de classer les personnes âgées en fonction de leur perte d'autonomie. En prévoyant que le taux du prélèvement sera compris entre cinquante pour cent et soixante-quinze pour cent des sommes en cause, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence au regard des dispositions précitées de l'article 34 de la Constitution. S'agissant des règles de recouvrement, en l'absence de disposition particulière dans la loi, le législateur a entendu renvoyer aux règles de droit commun applicables au recouvrement des créances d'un établissement public administratif.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 19, 20, 21, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.11. Libre administration des collectivités territoriales
  • 3.7.11.1. Principe de libre administration des collectivités
  • 3.7.11.1.2. Compétence réglementaire
  • 3.7.11.1.2.1. Autorité centrale pour l'adoption

Le rattachement au Premier ministre de l'Autorité centrale pour l'adoption, prévu par le premier alinéa de l'article L. 148-2 du code de l'action sociale et des familles, ne met pas en cause " les principes fondamentaux... de la libre administration des collectivités territoriales ", qui relèvent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il en va de même de la composition de cette Autorité, fixée par le deuxième alinéa du même article, dès lors que les compétences qu'elle exerce dans les matières qui relèvent de la loi sont purement consultatives, même si les départements jouent un rôle en matière d'adoption et si des représentants des conseils généraux siégeaient jusqu'ici à l'Autorité en vertu de l'alinéa dont le déclassement est demandé.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 7, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.11. Libre administration des collectivités territoriales
  • 3.7.11.4. Autonomie financière
  • 3.7.11.4.1. Compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales
  • 3.7.11.4.1.2. Dépenses obligatoires

En vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales de la République "s'administrent librement par des conseils élus". Chacune d'elles le fait "dans les conditions prévues par la loi". Aux termes de l'article 34 de la Constitution : "La loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources". Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation "garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence". En vertu des nouveaux articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, l'allocation personnalisée d'autonomie est une prestation à caractère universel destinée à assurer la prise en charge des personnes âgées dépendantes dans des conditions adaptées aux besoins de celles-ci. Elle est accordée "dans les limites des tarifs fixés par voie réglementaire". Elle constitue pour les départements une dépense obligatoire. En contrepartie, ceux-ci perçoivent des dotations versées par un fonds de financement alimenté par une fraction de la "contribution sociale généralisée" ainsi que par une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse. En premier lieu, si, en vertu de la loi, les départements ont compétence pour attribuer l'allocation personnalisée d'autonomie, allocation d'aide sociale qui répond à une exigence de solidarité nationale, il est loisible au législateur de définir des conditions d'octroi de cette allocation de nature à assurer l'égalité de traitement entre toutes les personnes âgées dépendantes sur l'ensemble du territoire national. Le législateur pouvait fixer de telles conditions dès lors qu'il n'a pas méconnu les compétences propres des départements, ni privé d'attribution effective aucun organe départemental. En second lieu, si l'allocation personnalisée d'autonomie est accordée par le président du conseil général sur proposition de la commission créée par la disposition critiquée, celui-ci reste libre de ne pas suivre cette proposition et d'en demander une nouvelle. Il ressort des débats à l'issue desquels a été adoptée la loi déférée que le législateur a entendu que ladite commission soit composée, en majorité, de représentants du conseil général. Il appartiendra au pouvoir réglementaire de tirer toutes les conséquences de l'intention du législateur. Sous cette réserve, le nouvel article L. 232-12 du code de l'action sociale et des familles n'est pas contraire à l'article 72 de la Constitution.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 4, 5, 6, 7, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.10. AUTRES DROITS ET PRINCIPES SOCIAUX
  • 4.10.1. Droit à la protection sociale (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.10.1.1. Champ d'application
  • 4.10.1.1.1. Aide sociale

Création de l'allocation personnalisée d'autonomie. Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ".

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 4, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.10. AUTRES DROITS ET PRINCIPES SOCIAUX
  • 4.10.1. Droit à la protection sociale (alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.10.1.3. Décentralisation de l'aide sociale

En vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales de la République " s'administrent librement par des conseils élus " ; chacune d'elles le fait " dans les conditions prévues par la loi ". Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ". Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ". En vertu des nouveaux articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, l'allocation personnalisée d'autonomie est une prestation à caractère universel destinée à assurer la prise en charge des personnes âgées dépendantes dans des conditions adaptées aux besoins de celles-ci. Elle est accordée " dans les limites des tarifs fixés par voie réglementaire ". Elle constitue pour les départements une dépense obligatoire. En contrepartie, ceux-ci perçoivent des dotations versées par un fonds de financement alimenté par une fraction de la " contribution sociale généralisée " ainsi que par une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse. En premier lieu, si, en vertu de la loi, les départements ont compétence pour attribuer l'allocation personnalisée d'autonomie, allocation d'aide sociale qui répond à une exigence de solidarité nationale, il est loisible au législateur de définir des conditions d'octroi de cette allocation de nature à assurer l'égalité de traitement entre toutes les personnes âgées dépendantes sur l'ensemble du territoire national. Le législateur pouvait fixer de telles conditions dès lors qu'il n'a pas méconnu les compétences propres des départements, ni privé d'attribution effective aucun organe départemental. En second lieu, si l'allocation personnalisée d'autonomie est accordée par le président du conseil général sur proposition de la commission créée par la disposition critiquée, celui-ci reste libre de ne pas suivre cette proposition et d'en demander une nouvelle. Il ressort des débats à l'issue desquels a été adoptée la loi déférée que le législateur a entendu que ladite commission soit composée, en majorité, de représentants du conseil général. Il appartiendra au pouvoir réglementaire de tirer toutes les conséquences de l'intention du législateur. Sous cette réserve, le nouvel article L. 232-12 du code de l'action sociale et des familles n'est pas contraire à l'article 72 de la Constitution.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 4, 5, 6, 7, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.3. Respect du principe d'égalité : absence de différence de traitement
  • 5.1.3.9. Droit social
  • 5.1.3.9.7. Recouvrement sur succession en matière d'aide sociale

Le nouvel article L. 232-19 du code de l'action sociale et des familles a pour objet d'exclure le recouvrement des sommes servies au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie " sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire " alors que les bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance demeurent soumis aux dispositions de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles qui prévoient le recouvrement des prestations d'aide sociale sur la succession du bénéficiaire, sur le donataire ou sur le légataire de celui-ci. La nouvelle législation poursuivant la même finalité que celle qu'elle remplace et les bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance ayant la possibilité d'opter pour l'allocation personnalisée d'autonomie, il ne saurait être valablement soutenu que le législateur aurait porté atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 9, 10, 11, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.3. Objectif d'accessibilité et d'intelligibilité (voir également ci-dessus Principe de clarté de la loi)

Les requérants font valoir que les règles de financement définies par le II du nouvel article L. 232-21 du code de l'action sociale et des familles seraient affectées d'une complexité et d'une contradiction telles qu'elles porteraient atteinte tant au principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé par l'article 72 de la Constitution qu'" à l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la loi ". Sur le fondement des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, le législateur peut définir des catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire. Toutefois, ces obligations doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration. Selon la saisine, le législateur, s'est abstenu de préciser la pondération qu'il entendait donner à chacun des trois critères présidant au calcul du concours apporté par le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie à chaque département. Il aurait ainsi " laissé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer la vocation de ce fonds (...), soit dans le sens d'une compensation des charges des départements, (...) soit dans le sens d'un soutien aux départements défavorisés ". Aux termes du troisième alinéa du II du nouvel article L. 232-21 du code précité, " le montant de ce concours est réparti annuellement entre les départements en fonction de la part des dépenses réalisées par chaque département au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie dans le montant total des dépenses au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie constaté l'année précédente pour l'ensemble des départements ". Le montant ainsi réparti est " modulé en fonction du potentiel fiscal (...) et du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion de chaque département ". Il résulte ainsi des termes de la loi, comme de ses travaux préparatoires, que le législateur a défini un critère principal de répartition des concours versés par le fonds, et que les deux autres critères ne servent qu'à le moduler en fonction de la situation de chaque département quant à ses ressources et à ses autres charges d'aide sociale. Dès lors, le législateur a suffisamment précisé, au regard des articles 34 et 72 de la Constitution, les éléments de calcul du concours que le fonds devra verser à chaque département. Les requérants soutiennent que, selon l'ordre dans lequel s'articuleront les diverses opérations de répartition, de majoration et d'écrêtement énoncées au II du nouvel article L. 232-21, la loi pourrait, en imposant des règles contradictoires aux départements, entraver leur libre administration. Il ressort du II du nouvel article L. 232-21 que la contribution du fonds aux dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie engagées par chaque département résulte, en premier lieu, de la répartition en fonction des trois critères énoncés ci-dessus. Elle est majorée, le cas échéant, en application des septième et huitième alinéas du II, pour les départements dont les dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie, rapportées au nombre de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, excèdent la moyenne nationale d'au moins 30 %. La contribution qui en résulte ne peut excéder la moitié des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie du département. Le montant total des dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie engagées par chaque département est en outre limité, en vertu du dixième alinéa du II, à une somme égale au produit de 80 % de la majoration pour tierce personne au 1er janvier 2001 par le nombre de bénéficiaires. Les dépenses engagées par le département au-delà de ce plafond sont prises en charge par le fonds. Cette dernière règle permet aux départements dont la dépense dépassera le plafond ainsi fixé par la loi d'appeler le fonds en garantie à hauteur de ce dépassement. Si la loi déférée accroît la complexité des circuits financiers relatifs à la protection sociale, elle énonce de façon précise et sans contradiction les nouvelles règles de financement qu'elle instaure. En particulier, elle détermine le concours apporté par le fonds à chaque département et fixe les clés de répartition du produit des impositions affectées. Il résulte de ce qui précède que la complexité introduite par la loi déférée, pour réelle qu'elle soit, n'est pas à elle seule de nature à rendre celle-ci contraire à la Constitution.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.4. Exigence de précision de la loi
  • 10.3.10.4.2. Exigence découlant de l'article 34 de la Constitution de 1958

Applications.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.10. Qualité de la loi
  • 10.3.10.5. Complexité excessive

Voir ci-dessus Qualité de la loi - Principe de clarté et Objectif d'accessibilité et intelligibilité de la loi.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.3. FINANCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
  • 14.3.2. Dépenses

En vertu de l'article 72 de la Constitution, si les collectivités territoriales de la République " s'administrent librement par des conseils élus ", chacune d'elles le fait " dans les conditions prévues par la loi ". Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ". Aux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ". En vertu des nouveaux articles L. 232-1 et L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, l'allocation personnalisée d'autonomie est une prestation à caractère universel destinée à assurer la prise en charge des personnes âgées dépendantes dans des conditions adaptées aux besoins de celles-ci. Elle est accordée " dans les limites des tarifs fixés par voie réglementaire ". Elle constitue pour les départements une dépense obligatoire. En contrepartie, ceux-ci perçoivent des dotations versées par un fonds de financement alimenté par une fraction de la " contribution sociale généralisée " ainsi que par une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse. En premier lieu, si, en vertu de la loi, les départements ont compétence pour attribuer l'allocation personnalisée d'autonomie, allocation d'aide sociale qui répond à une exigence de solidarité nationale, il est loisible au législateur de définir des conditions d'octroi de cette allocation de nature à assurer l'égalité de traitement entre toutes les personnes âgées dépendantes sur l'ensemble du territoire national. Le législateur pouvait fixer de telles conditions dès lors qu'il n'a pas méconnu les compétences propres des départements, ni privé d'attribution effective aucun organe départemental. En second lieu, si l'allocation personnalisée d'autonomie est accordée par le président du conseil général sur proposition de la commission créée par la disposition critiquée, celui-ci reste libre de ne pas suivre cette proposition et d'en demander une nouvelle. Il ressort des débats à l'issue desquels a été adoptée la loi que le législateur a entendu que ladite commission soit composée, en majorité, de représentants du conseil général. Il appartiendra au pouvoir réglementaire de tirer toutes les conséquences de l'intention du législateur. Sous cette réserve, le nouvel article L. 232-12 du code de l'action sociale et des familles n'est pas contraire à l'article 72 de la Constitution.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 4, 5, 6, 7, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)

Sur le fondement des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, le législateur peut définir des catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire. Toutefois, les obligations ainsi mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 24, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)

Sur le fondement des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, le législateur peut définir des catégories de dépenses qui revêtent pour une collectivité territoriale un caractère obligatoire. Toutefois, les obligations ainsi mises à la charge d'une collectivité territoriale doivent être définies avec précision quant à leur objet et à leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration. Il résulte des termes de la loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, comme de ses travaux préparatoires, que le législateur a défini un critère principal de répartition des concours versés par le Fonds de financement de cette allocation, et que les deux autres critères ne servent qu'à le moduler en fonction de la situation de chaque département quant à ses ressources et à ses autres charges d'aide sociale. Dès lors, le législateur a suffisamment précisé, au regard des articles 34 et 72 de la Constitution, les éléments de calcul du concours que le Fonds devra verser à chaque département. Il n'a pas non plus, compte tenu des règles régissant le concours que le Fonds devra apporter aux départements et, en particulier, de la garantie que les dépenses laissées à la charge de chacun d'eux ne seront pas supérieures au seuil déterminé par le dixième alinéa du II, adopté des dispositions ayant pour effet de restreindre les ressources des départements au point d'entraver leur libre administration et de porter ainsi atteinte au principe constitutionnel figurant à l'article 72 de la Constitution.

(2001-447 DC, 18 juillet 2001, cons. 24, 25, 26, 27, 28, 30, Journal officiel du 21 juillet 2001, page 11743)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Texte de la loi déférée, Dossier complet sur le site de l'Assemblée Nationale, Dossier complet sur le site du Sénat, Saisine par 60 sénateurs, Observations du gouvernement, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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