Décision

Décision n° 98-406 DC du 29 décembre 1998

Loi de finances rectificative pour 1998
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 décembre 1998 par MM Josselin de Rohan, Nicolas About, Louis Althapé, Jean-Paul Amoudry, Denis Badré, René Ballayer, Michel Barnier, Bernard Barraux, Jacques Baudot, Michel Bécot, Jean Bernard, Daniel Bernardet, André Bohl, Christian Bonnet, Joël Bourdin, Louis Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Jean Chérioux, Jean Clouet, Gérard Cornu, Charles de Cuttoli, Jean Delaneau, Jean-Paul Delevoye, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Gérard Deriot, Xavier Dugoin, André Dulait, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Hubert Falco, Jean Faure, Hilaire Flandre, Bernard Fournier, Philippe François, Yann Gaillard, René Garrec, Patrice Gélard, Alain Gérard, Francis Giraud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Mme Anne Heinis, MM Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Claude Huriet, Pierre Jarlier, Christian de La Malène, Alain Lambert, Lucien Lanier, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Roland du Luart, Jacques Machet, Kléber Malécot, André Maman, Philippe Marini, Paul Masson, Louis Mercier, Michel Mercier, Jean-Luc Miraux, Louis Moinard, Philippe Nachbar, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Bernard Plasait, Guy Poirieux, Ladislas Poniatowski, Charles Revet, Henri Revol, Philippe Richert, Jean-Jacques Robert, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Michel Rufin, Jean-Pierre Schosteck, Michel Souplet, Martial Taugourdeau, François Trucy, Jacques Valade, Alain Vasselle, Xavier de Villepin et Serge Vinçon, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances rectificative pour 1998 ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code général des impôts ;

Vu les observations présentées par le Gouvernement, enregistrées le 26 décembre 1998 ;

Le rapporteur ayant été entendu,

1. Considérant que les sénateurs auteurs de la requête demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi de finances rectificative pour 1998 ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution des articles 2, 3, 4 et 12 ;

- SUR LES ARTICLES 2, 3 et 4 :

2. Considérant que les sénateurs requérants font valoir qu'en ouvrant de « nombreux crédits destinés à être reportés sur l'exercice 1999 ou sur des exercices ultérieurs », sans que l'inscription de ces crédits réponde à l'objectif de continuité de l'action de l'État et alors que « leur nécessité était connue dès l'élaboration du projet de loi de finances pour 1999 », le législateur a porté atteinte au principe de l'annualité budgétaire et à l'obligation de sincérité budgétaire ;

3. Considérant qu'en inscrivant certains crédits dans la loi de finances rectificative pour 1998 sur des chapitres dotés de crédits pouvant être reportés en application des dispositions de l'article 17 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, alors même que ces dépenses ne pourront être effectivement engagées qu'au cours de l'exercice budgétaire 1999, le législateur, eu égard au montant limité des sommes en cause par rapport aux masses budgétaires, n'a pas méconnu les exigences constitutionnelles invoquées par les requérants ;

- SUR L'ARTICLE 12 :

4. Considérant que le A de l'article 12 de la loi insère dans le code général des impôts les articles 234 bis à 234 decies ; que ces dispositions visent, afin de simplifier les obligations déclaratives des bailleurs, à substituer au droit de bail et à sa taxe additionnelle tels que définis par les articles 736 et suivants du code général des impôts actuellement en vigueur, deux nouvelles contributions ; que la première est la « contribution annuelle représentative du droit de bail sur les revenus retirés de la location ou sous-location d'immeubles, de fonds de commerce, de clientèle, de droits de pêche ou de droits de chasse, acquittée par les bailleurs » ; qu'elle est assise sur les loyers effectivement encaissés au cours de l'année civile lorsque les loyers perçus entrent dans le champ de l'impôt sur le revenu, ou, lorsque les revenus n'entrent pas dans ce champ, au cours de l'exercice comptable ou de la période d'imposition définie au deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts ; que la seconde est « la contribution additionnelle à la contribution annuelle... applicable aux revenus tirés de la location de locaux situés dans des immeubles achevés depuis quinze ans au moins au 1er janvier de l'année d'imposition » ; qu'il résulte du nouveau dispositif que les modalités de déclaration, de contrôle et de recouvrement de la contribution représentative du droit de bail et de la contribution additionnelle seront soit celles applicables en matière d'impôt sur le revenu, soit celles applicables en matière d'impôt sur les sociétés ;

5. Considérant qu'en application du F de l'article 12, la nouvelle contribution et la contribution additionnelle s'appliqueront, sauf pour les baux écrits de biens ruraux et les locations de droits de chasse ou de pêche en cours à la date de publication de la loi déférée, aux revenus perçus à compter du 1er janvier 1998 ;

6. Considérant que les sénateurs requérants font grief à l'article 12 d'être contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce qu'il obligerait les redevables, pour la période allant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, à payer la nouvelle contribution et la contribution additionnelle, alors que, pour cette période, le droit de bail et la taxe additionnelle ont déjà été acquittés ; qu'ils considèrent, en outre, que cet article « n'est pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la rétroactivité de la loi fiscale », la disposition n'ayant pas été prise pour des raisons d'intérêt général ; qu'ils estiment, enfin, qu'il méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques « en tant qu'il entraîne une double imposition des personnes physiques et non des personnes morales », alors que les bailleurs, personnes physiques et personnes morales, sont dans la même situation au regard de l'objet de la loi ;

7. Considérant que le 11 ° du E de l'article 12 abroge le droit de bail et la taxe additionnelle au droit de bail, qui constituent des droits d'enregistrement, pour y substituer les nouvelles contributions ; que ces dernières s'appliqueront aux revenus perçus à compter du 1er janvier 1998, la période de référence étant l'année civile pour les redevables soumis aux règles de déclaration et de recouvrement prévues en matière d'impôt sur le revenu ; que, si la période de référence pour les nouvelles contributions comprend, pour la déclaration faite en 1999, la période allant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, période qui a par ailleurs servi de base pour l'application du droit au bail au cours de l'année 1998, le dispositif institué ne conduit pas le redevable à acquitter au cours de la même année les anciennes contributions et les nouvelles ;

8. Considérant, par ailleurs, que l'article 234 decies du code général des impôts, inséré par le A de l'article 12, instaure un dégrèvement au bénéfice des redevables soumis aux règles de déclaration et de recouvrement prévues en matière d'impôt sur le revenu, d'un montant égal aux droits acquittés au titre de la période courant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, en cas de cessation ou d'interruption pour une durée d'au moins neuf mois consécutifs de la location ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 12 n'institue pas une double imposition et ne méconnaît aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle ;

10. Considérant que, si les personnes morales relevant de l'impôt sur les sociétés vont pouvoir, en application des dispositions du G de l'article 12, déduire les recettes qui ont été soumises au droit de bail avant le 1er octobre 1998 de l'assiette de la contribution versée pour le premier exercice d'application du nouveau régime, cette possibilité s'explique par la différence de situation entre les redevables des contributions relevant du régime de l'impôt sur le revenu et les redevables des contributions soumises au régime de l'impôt sur les sociétés, découlant de l'application de modalités de liquidation et de règles de recouvrement différentes ; que, dès lors, il n'y a pas méconnaissance du principe d'égalité ;

11. Considérant, enfin, que les dispositions critiquées ne revêtent pas de caractère rétroactif ; qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs allégués à l'encontre de l'article 12 doivent être rejetés ;

12. Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner d'office aucune question de conformité à la Constitution ;

Décide :
Article premier :
Sont déclarés conformes à la Constitution les articles 2, 3, 4 et 12 de la loi de finances rectificative pour 1998.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 1998, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Yves GUÉNA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.
Le président,
Roland DUMAS

Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160
Recueil, p. 340
ECLI : FR : CC : 1998 : 98.406.DC

Les abstracts

  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.4. ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES
  • 5.4.2. Champ d'application du principe
  • 5.4.2.2. Égalité en matière d'impositions de toutes natures
  • 5.4.2.2.11. Contribution représentative du droit de bail et contribution additionnelle

La loi de finances rectificative pour 1998 abroge le droit de bail et la taxe additionnelle au droit de bail, qui constituent des droits d'enregistrement, pour y substituer les nouvelles contributions. Ces dernières s'appliqueront aux revenus perçus à compter du 1er janvier 1998, la période de référence étant l'année civile pour les redevables soumis aux règles de déclaration et de recouvrement prévues en matière d'impôt sur le revenu. Si la période de référence pour les nouvelles contributions comprend, pour la déclaration faite en 1999, la période allant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, période qui a par ailleurs servi de base pour l'application du droit au bail au cours de l'année 1998, le dispositif institué ne conduit pas le redevable à acquitter au cours de la même année les anciennes contributions et les nouvelles. Par ailleurs, l'article 234 decies du code général des impôts instaure un dégrèvement au bénéfice des redevables soumis aux règles de déclaration et de recouvrement prévues en matière d'impôt sur le revenu, d'un montant égal aux droits acquittés au titre de la période courant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, en cas de cessation ou d'interruption pour une durée d'au moins neuf mois consécutifs de la location. Il résulte de ce qui précède que le législateur n'a pas institué une double imposition et n'a méconnu aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle.

(98-406 DC, 29 décembre 1998, cons. 6, 7, 8, Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160)

Si les personnes morales relevant de l'impôt sur les sociétés vont pouvoir déduire les recettes qui ont été soumises au droit de bail avant le 1er octobre 1998 de l'assiette de la contribution versée pour le premier exercice d'application du nouveau régime, cette possibilité s'explique par la différence de situation entre les redevables des contributions relevant du régime de l'impôt sur le revenu et les redevables des contributions soumises au régime de l'impôt sur les sociétés, découlant de l'application de modalités de liquidation et de règles de recouvrement différentes. Il n'y a pas, dès lors, méconnaissance du principe d'égalité.

(98-406 DC, 29 décembre 1998, cons. 9, Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.4. ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES
  • 5.4.2. Champ d'application du principe
  • 5.4.2.2. Égalité en matière d'impositions de toutes natures
  • 5.4.2.2.22. Droits d'enregistrement

Le 11° du E de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 abroge le droit de bail et la taxe additionnelle au droit de bail, qui constituent des droits d'enregistrement, pour y substituer de nouvelles contributions. Ces dernières s'appliqueront aux revenus perçus à compter du 1er janvier 1998, la période de référence étant l'année civile pour les redevables soumis aux règles de déclaration et de recouvrement prévues en matière d'impôt sur le revenu. Si la période de référence pour les nouvelles contributions comprend, pour la déclaration faite en 1999, la période allant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, période qui a par ailleurs servi de base pour l'application du droit au bail au cours de l'année 1998, le dispositif institué ne conduit pas le redevable à acquitter au cours de la même année les anciennes contributions et les nouvelles. Par ailleurs, l'article 234 decies du code général des impôts, inséré par le A de l'article 12, instaure un dégrèvement au bénéfice des redevables soumis aux règles de déclaration et de recouvrement prévues en matière d'impôt sur le revenu, d'un montant égal aux droits acquittés au titre de la période courant du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1998, en cas de cessation ou d'interruption pour une durée d'au moins neuf mois consécutifs de la location. Il résulte de ce qui précède que l'article 12 n'institue pas une double imposition et ne méconnaît aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle.

(98-406 DC, 29 décembre 1998, cons. 6, 7, 8, Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.4. ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES
  • 5.4.2. Champ d'application du principe
  • 5.4.2.2. Égalité en matière d'impositions de toutes natures
  • 5.4.2.2.30. Impôt sur les bénéfices (des sociétés)

Si les personnes morales relevant de l'impôt sur les sociétés vont pouvoir, en application des dispositions du G de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, déduire les recettes qui ont été soumises au droit de bail avant le 1er octobre 1998 de l'assiette de la contribution versée pour le premier exercice d'application du nouveau régime, cette possibilité s'explique par la différence de situation entre les redevables des contributions relevant du régime de l'impôt sur le revenu et les redevables des contributions soumises au régime de l'impôt sur les sociétés, découlant de l'application de modalités de liquidation et de règles de recouvrement différentes. Il n'y a pas, dès lors, méconnaissance du principe d'égalité.

(98-406 DC, 29 décembre 1998, cons. 9, Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160)
  • 6. FINANCES PUBLIQUES
  • 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
  • 6.1.2. Principe d'annualité
  • 6.1.2.1. Contenu

En inscrivant certains crédits dans la loi de finances rectificative pour 1998 sur des chapitres dotés de crédits pouvant être reportés en application des dispositions de l'article 17 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, alors même que ces dépenses ne pourront être effectivement engagées qu'au cours de l'exercice budgétaire 1999, le législateur, eu égard au montant limité des sommes en cause par rapport aux masses budgétaires, n'a pas méconnu le principe de la sincérité budgétaire.

(98-406 DC, 29 décembre 1998, cons. 2, Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160)
  • 6. FINANCES PUBLIQUES
  • 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
  • 6.1.2. Principe d'annualité
  • 6.1.2.2. Exceptions
  • 6.1.2.2.1. Reports de crédits

En inscrivant certains crédits dans la loi de finances rectificative pour 1998 sur des chapitres dotés de crédits pouvant être reportés en application des dispositions de l'article 17 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, alors même que ces dépenses ne pourront être effectivement engagées qu'au cours de l'exercice budgétaire 1999, le législateur, eu égard au montant limité des sommes en cause par rapport aux masses budgétaires, n'a pas méconnu le principe de l'annualité budgétaire.

(98-406 DC, 29 décembre 1998, cons. 2, Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160)
  • 6. FINANCES PUBLIQUES
  • 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
  • 6.1.7. Principe de sincérité
  • 6.1.7.1. Loi de finances
  • 6.1.7.1.1. Régime de l'ordonnance de 1959

En inscrivant certains crédits dans la loi de finances rectificative pour 1998 sur des chapitres dotés de crédits pouvant être reportés en application des dispositions de l'article 17 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, alors même que ces dépenses ne pourront être effectivement engagées qu'au cours de l'exercice budgétaire 1999, le législateur, eu égard au montant limité des sommes en cause par rapport aux masses budgétaires, n'a pas méconnu le principe de la sincérité budgétaire.

(98-406 DC, 29 décembre 1998, cons. 2, Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20160)
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