Décision

Décision n° 97-2168 AN du 16 décembre 1997

A.N., Drôme (1ère circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Patrick LABAUNE, demeurant à Montmeyran (Drôme), déposée à la préfecture de la Drôme le 10 juin 1997, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 11 juin 1997 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 25 mai et 1er juin 1997 dans la 1ère circonscription du département de la Drôme pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire en défense présenté par Mme Michèle RIVASI, député, enregistré comme ci-dessus le 4 août 1997 ;

Vu les observations du ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus les 13 juin et 19 septembre 1997 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par M. LABAUNE, enregistré comme ci-dessus le 18 septembre 1997 ;

Vu le mémoire en duplique présenté par Mme RIVASI, enregistré comme ci-dessus le 29 octobre 1997 ;

Vu le mémoire complémentaire présenté par M. LABAUNE, enregistré comme ci-dessus le 18 novembre 1997 ;

Vu les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrées comme ci-dessus le 6 octobre 1997, approuvant les comptes de campagne de Mme RIVASI et de M. LABAUNE ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES IRREGULARITES DE LA LISTE ELECTORALE :

1. Considérant que le requérant met en cause des irrégularités dans l'établissement de la liste électorale de la ville de Valence en soutenant qu'une quinzaine de personnes inscrites ne justifiaient pas, lors de leur inscription, remplir les conditions requises de nationalité ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, juge de l'élection, de se prononcer sur la régularité des inscriptions sur les listes électorales, en l'absence de manoeuvres susceptibles de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; que l'existence de telles manoeuvres n'est pas en l'espèce établie ;

- SUR LES IRREGULARITES DE LA CAMPAGNE ELECTORALE :

2. Considérant, en premier lieu, que ni l'affichage limité en nombre en dehors des emplacements prévus à cet effet, dont l'existence est établie par un constat d'huissier dressé le 7 mai 1997, ni la présence, au sein d'une manifestation de rue le 31 mai 1997, de jeunes enfants portant des ballons et des vêtements imprimés de slogans en faveur de Mme RIVASI, ni l'intervention de la candidate le 29 mai 1997 devant une école maternelle, ne peuvent être regardés comme des « procédés déloyaux » de nature à altérer les résultats du scrutin ; que l'utilisation par Mme RIVASI d'une affiche de couleur blanche pour annoncer une réunion publique n'a pu davantage affecter la sincérité du scrutin ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le dépôt sur les tables d'un nombre limité d'exemplaires d'un document de propagande déjà utilisé durant la campagne et ne comprenant aucun élément de polémique électorale, au cours d'une soirée de bienfaisance, à laquelle assistaient tant Mme RIVASI que le suppléant de M. LABAUNE, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1997, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à modifier, nonobstant le faible écart des voix, le résultat du scrutin ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance qu'un fonctionnaire de la ville de Valence se trouvait, à une heure où il devait être en service, dans les locaux du parti socialiste, organisation qui soutenait la candidature de Mme RIVASI, n'a pu influer sur l'issue de l'élection ;

- SUR LES OPERATIONS DE VOTE ET DE DEPOUILLEMENT :

5. Considérant que la circonstance que deux conseillers municipaux d'opposition ont renoncé pour des motifs de santé à exercer leurs fonctions au sein des bureaux de vote est sans incidence sur la régularité du scrutin ;

6. Considérant que les incidents rapportés dans les procès-verbaux de deux bureaux ne sont pas de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une électrice ait été admise au vote sans justifier de son identité ;

7. Considérant que le requérant relève des différences entre les signatures de certains électeurs figurant sur des documents administratifs et celles portées sur les listes d'émargement, ainsi qu'entre quelques émargements du premier tour et ceux du second tour ; que toutefois les variations ainsi constatées ne présentent pas un caractère anormal permettant de mettre en doute l'authenticité des votes en cause ;

8. Considérant que si, lors des opérations de dépouillement dans un des bureaux de Valence, il fallut dénombrer à plusieurs reprises les émargements et que, dans certains paquets de cent bulletins dépouillés dans ce bureau, sont apparus des écarts entre les voix obtenues par chacun des candidats sensiblement différents de ce qui était observé en moyenne dans les autres paquets, ces constatations ne suffisent pas à établir l'existence de manoeuvres portant atteinte à la sincérité des résultats ; que le défaut de signature d'un assesseur sur des procès-verbaux reste sans incidence sur la régularité de l'élection ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'écart entre le nombre des émargements et celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne sur l'ensemble des bureaux est de cinq unités ; qu'il y a lieu de retirer hypothétiquement cinq suffrages des voix attribuées à Mme RIVASI ; qu'après cette déduction, Mme RIVASI conserve la majorité des suffrages exprimés ;

- SUR LE COMPTE DE CAMPAGNE DE Mme RIVASI :

10. Considérant que, si un fonctionnaire employé par la mairie de Valence s'est indûment livré, pendant ses heures de service, à une activité militante au profit du parti socialiste, cette circonstance n'imposait pas en l'espèce à Mme RIVASI l'obligation de comprendre dans ses dépenses de campagne le montant de la rémunération correspondante, dès lors que ce concours était apporté à une formation politique et non à sa propre campagne ; que, si le requérant soutient que l'association, dont Mme RIVASI avait été la présidente avant de donner sa démission pour mener sa campagne électorale, aurait pris une part aux dépenses de cette campagne, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ces allégations démenties tant par la candidate élue que par l'association ; que c'est à bon droit que Mme RIVASI n'a pas inclus dans ses dépenses de campagne le coût d'un film documentaire, conçu et réalisé par une équipe de télévision indépendante qui avait pris pour objet notamment la campagne électorale de la candidate et qui ne l'a jamais diffusé ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme RIVASI aurait sous-estimé le coût de fabrication et de diffusion des divers moyens de propagande qu'elle a utilisés ; que, contrairement à ce que prétend le requérant, le montant des dépenses de campagne engagées par Mme RIVASI n'excède pas le plafond légal fixé dans la circonscription en application de l'article L. 52-11 du code électoral ; qu'il suit de là que M. LABAUNE n'est pas fondé à demander que Mme RIVASI soit déclarée inéligible pour avoir dépassé le plafond légal des dépenses électorales ;

- SUR LE COMPTE DE CAMPAGNE DE M. LABAUNE :

11. Considérant que l'article L.O. 186-1 du code électoral permet au Conseil constitutionnel, sans qu'il y ait nécessairement intervention préalable de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de tirer les conséquences d'une situation à l'égard de laquelle l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du même code, dans l'hypothèse où les opérations électorales de la circonscription ont été régulièrement contestées devant lui ;

12. Considérant qu'il résulte de l'attestation établie par les services de la mairie de Valence et qui n'est pas contestée que les trois agents communaux qui ont effectué des recherches documentaires pour les besoins de la campagne électorale de M. LABAUNE se sont livrés à ces activités alors qu'ils étaient placés en congé ; que dès lors Mme RIVASI n'est pas fondée, en tout état de cause, à demander que M. LABAUNE soit déclaré inéligible au motif qu'il aurait bénéficié de la part d'une personne morale de droit public d'une aide prohibée par l'article L. 52-8 du code électoral ;

Décide :
Article premier :
La requête de Monsieur Patrick LABAUNE est rejetée.
Article 2 :
Les conclusions présentées par Madame Michèle RIVASI et tendant à ce que M. Patrick LABAUNE soit déclaré inéligible sont rejetées.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 1997, où siégeaient : MM. Roland DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Maurice FAURE, Yves GUÉNA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR et M. Jacques ROBERT.

Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398
Recueil, p. 304
ECLI : FR : CC : 1997 : 97.2168.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.1. Opérations préalables au scrutin
  • 8.3.1.1. Listes électorales
  • 8.3.1.1.2. Contestation de la révision de la liste électorale
  • 8.3.1.1.2.2. Compétence du juge de l'élection

Le requérant met en cause des irrégularités dans l'établissement de la liste électorale de la ville de V. en soutenant qu'une quinzaine de personnes inscrites ne justifiaient pas, lors de leur inscription, remplir les conditions requises de nationalité. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, juge de l'élection, de se prononcer sur la régularité des inscriptions sur les listes électorales, en l'absence de manœuvres susceptibles de porter atteinte à la sincérité du scrutin. L'existence de telles manœuvres n'est pas en l'espèce établie.

(97-2168 AN, 16 décembre 1997, cons. 1, Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.16. Tracts
  • 8.3.3.16.3. Irrégularités sans influence sur les résultats de l'élection
  • 8.3.3.16.3.3. Contenu et portée des tracts

Le dépôt sur les tables d'un nombre limité d'exemplaires d'un document de propagande déjà utilisé durant la campagne et ne comprenant aucun élément de polémique électorale, au cours d'une soirée de bienfaisance, à laquelle assistaient tant l'élu que le suppléant du requérant, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1997, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à modifier, nonobstant le faible écart des voix, le résultat du scrutin.

(97-2168 AN, 16 décembre 1997, cons. 3, Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.3. Dépenses n'ayant pas à figurer dans le compte

Si un fonctionnaire employé par la mairie de V. s'est indûment livré, pendant ses heures de service, à une activité militante au profit du Parti socialiste, cette circonstance n'imposait pas en l'espèce à l'élue l'obligation de comprendre dans ses dépenses de campagne le montant de la rémunération correspondante, dès lors que ce concours était apporté à une formation politique et non à sa propre campagne. Si le requérant soutient que l'association, dont l'élue avait été la présidente avant de donner sa démission pour mener sa campagne électorale, aurait pris une part aux dépenses de cette campagne, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ces allégations démenties tant par la candidate élue que par l'association. C'est à bon droit que l'élue n'a pas inclus dans ses dépenses de campagne le coût d'un film documentaire, conçu et réalisé par une équipe de télévision indépendante qui avait pris pour objet notamment la campagne électorale de la candidate et qui ne l'a jamais diffusé. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait sous-estimé le coût de fabrication et de diffusion des divers moyens de propagande qu'elle a utilisés. Contrairement à ce que prétend le requérant, le montant des dépenses de campagne engagées par l'élue n'excède pas le plafond légal fixé dans la circonscription en application de l'article L. 52-11 du code électoral. Rejet des conclusions tendant à ce que l'élue soit déclarée inéligible pour avoir dépassé le plafond légal des dépenses électorales. Il résulte de l'attestation établie par les services de la mairie de V. et qui n'est pas contestée que les trois agents communaux qui ont effectué des recherches documentaires pour les besoins de la campagne d'un candidat se sont livrés à ces activités alors qu'ils étaient placés en situation de congé. Non-violation de l'article L. 52-8 du code électoral.

(97-2168 AN, 16 décembre 1997, cons. 10, 12, Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.8. Intervention du Conseil constitutionnel en application des articles L.O. 136-1 et 186-1 du code électoral

L'article L.O. 186-1 du code électoral permet au Conseil constitutionnel, sans qu'il y ait nécessairement intervention préalable de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, de tirer les conséquences d'une situation à l'égard de laquelle l'instruction fait apparaître qu'un candidat se trouve dans l'un des cas mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du même code, dans l'hypothèse où les opérations électorales de la circonscription ont été régulièrement contestées devant lui.

(97-2168 AN, 16 décembre 1997, cons. 11, 12, Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.8. Différences de signatures entre le premier et le second tour

Le requérant relève des différences entre les signatures de certains électeurs figurant sur des documents administratifs et celles portées sur les listes d'émargement, ainsi qu'entre quelques émargements du premier tour et ceux du second tour. Toutefois les variations ainsi constatées ne présentent pas un caractère anormal permettant de mettre en doute l'authenticité des votes en cause.

(97-2168 AN, 16 décembre 1997, cons. 8, Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.9. Irrégularités et incidents divers (voir également ci-dessus : Organisation du dépouillement)

Si, lors des opérations de dépouillement dans un des bureaux de V., il fallut dénombrer à plusieurs reprises les émargements et que, dans certains paquets de 100 bulletins dépouillés dans ce bureau, sont apparus des écarts entre les voix obtenues par chacun des candidats sensiblement différents de ce qui était observé en moyenne dans les autres paquets, ces constatations ne suffisent pas à établir l'existence de manœuvres portant atteinte à la sincérité des résultats.

(97-2168 AN, 16 décembre 1997, cons. 8, Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.7. Contentieux - Compétence
  • 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.3.7.2.3. Contrôle de la régularité des listes électorales

Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, en l'absence de manœuvre, de se prononcer sur la régularité des inscriptions sur la liste électorale.

(97-2168 AN, 16 décembre 1997, cons. 1, Journal officiel du 19 décembre 1997, page 18398)
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