Décision

Décision n° 95-15 I du 18 janvier 1996

Situation de Monsieur René BEAUMONT, député de Saône-et-Loire, au regard du régime des incompatibilités parlementaires
Incompatibilité

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 1er décembre 1995 par le président de l'Assemblée nationale, au nom du Bureau de cette assemblée, dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article LO 151 du code électoral, d'une demande tendant à apprécier si M René Beaumont, député de Saône-et-Loire, qui envisage d'exercer les fonctions de membre et de président du conseil d'administration de la société Sorelif Saône-Rhin, se trouverait dans un cas d'incompatibilité ;

Vu les observations produites par M Beaumont, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 23 décembre 1995 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, enregistrées le 2 janvier 1996 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'économie et des finances, enregistrées le 10 janvier 1996 ;

Vu les pièces desquelles il résulte que communication des observations susvisées a été faite à M Beaumont ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral, notamment ses articles LO 146, LO 147, LO 148 et LO 151 ;

Vu la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône, modifiée par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, modifiée notamment par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 ;

Vu le décret n° 96-31 du 16 janvier 1996 pris pour l'application de l'article 36 de la loi du 4 février 1995 susvisée ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la question posée au Conseil constitutionnel est de savoir si M René Beaumont se trouverait, en raison des fonctions de membre et de président du conseil d'administration de la société Sorelif Saône-Rhin qu'il envisage d'exercer, dans un des cas d'incompatibilité prévus par le code électoral, et en particulier par ses articles LO 146 et LO 147 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article LO 146 du même code : « Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de président de conseil d'administration exercées dans :
 » 1 ° Les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'Etat ou par une collectivité publique, sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale " ;

3. Considérant que la Société pour la réalisation de la liaison fluviale Saône-Rhin (Sorelif Saône-Rhin), entreprise créée à parité entre Electricité de France et la Compagnie nationale du Rhône par l'article 36 de la loi du 4 février 1995 susvisée, a pour mission de collecter les sommes nécessaires à la construction du canal à grand gabarit destiné à relier la Saône au Rhin en s'assurant de l'équilibre financier de l'opération ; qu'aux termes de cette disposition, elle est chargée, pour le compte de la Compagnie nationale du Rhône, d'exercer la maîtrise d'ouvrage déléguée des travaux de construction de ce canal ; que l'entreprise ainsi créée est habilitée à recevoir, outre le financement assuré par Electricité de France, « les concours des collectivités territoriales et établissements publics locaux intéressés, ainsi que des fonds nationaux et européens pouvant contribuer à la réalisation de l'ouvrage » ; que les avantages financiers ainsi prévus ne résultent pas de l'application automatique d'une législation ou d'une réglementation générale ; que, dans ces conditions, la société Sorelif Saône-Rhin entre dans le champ d'application de l'article LO 146 (1 °) du code électoral ;

4. Considérant, par ailleurs, que l'article LO 148 du code électoral dispose : « Nonobstant les dispositions des articles LO 146 et LO 147, les députés membres d'un conseil général ou d'un conseil municipal peuvent être désignés par ces conseils pour représenter le département ou la commune dans des organismes d'intérêt régional ou local à la condition que ces organismes n'aient pas pour objet propre de faire ni de distribuer des bénéfices et que les intéressés n'y occupent pas de fonctions rémunérées.
 » En outre, les députés même non membres d'un conseil général ou d'un conseil municipal, peuvent exercer les fonctions de président du conseil d'administration, d'administrateur délégué ou de membre du conseil d'administration des sociétés d'économie mixte d'équipement régional ou local ou des sociétés ayant un objet exclusivement social lorsque ces fonctions ne sont pas rémunérées. "

5. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1er de ses statuts, l'entreprise Sorelif Saône-Rhin est une société par actions simplifiée régie par l'ensemble des dispositions législatives ou réglementaires de droit commun auxquelles est assujetti ce type de sociétés ; que l'article 27 desdits statuts détermine les modalités de distribution des bénéfices réalisés ; que, dès lors, en tout état de cause, le premier alinéa de l'article LO 148 n'est pas applicable à cette société ;

6. Considérant, d'autre part, que la société Sorelif Saône-Rhin ne constitue pas, compte tenu de sa composition, de son objet et de son champ d'activité, une « société d'économie mixte d'équipement régional ou local » au sens du deuxième alinéa du même article ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la situation de M Beaumont n'entre pas dans le champ d'application des exceptions prévues par l'article LO 148 du code électoral ;

8. Considérant que, dans ces conditions, les fonctions de président du conseil d'administration de la société Sorelif Saône-Rhin que M Beaumont envisage d'exercer doivent être regardées comme incompatibles avec son mandat de député ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article LO 147 du code électoral : « Il est interdit à tout député d'accepter, en cours de mandat, une fonction de membre de conseil d'administration ou de surveillance dans l'un des établissements, sociétés ou entreprises visés à l'article LO 146 » ; qu'il suit de là que les fonctions de membre du conseil d'administration de la société Sorelif Saône-Rhin que M Beaumont se propose d'exercer en cours de mandat ne sont pas non plus compatibles avec son mandat de député,

Décide :
Article premier :
Les fonctions de président et de membre du conseil d'administration de la société Sorelif Saône-Rhin sont déclarées incompatibles avec l'exercice par M Beaumont de son mandat de député.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, à M René Beaumont et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 janvier 1996, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Etienne Dailly, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jeann Cabannes, Michel AMELLER, Jacques ROBERT et Mme Noelle Lenoir.
Le président,
Roland DUMAS

Journal officiel du 24 janvier 1996, page 1183
Recueil, p. 23
ECLI : FR : CC : 1996 : 95.15.I

Les abstracts

  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.1. Sociétés percevant des avantages d'une personne publique (L.O. 146, 1°)

La société pour la réalisation de la liaison fluviale Saône-Rhin (Sorelif Saône-Rhin), qui a notamment pour mission de collecter les sommes nécessaires à la construction du canal à grand gabarit destiné à relier la Saône au Rhin, est habilitée à recevoir les concours des collectivités locales et établissements publics locaux intéressés, ainsi que des fonds nationaux et européens. Dès lors que ces avantages financiers ne résultent pas de l'application automatique d'une législation ou d'une réglementation générale, cette société entre dans le champ d'application du 1° de l'article L.O. 146 du code électoral. En conséquence, l'article L.O. 147 du même code s'oppose à ce qu'un député accepte en cours de mandat d'exercer les fonctions de membre du conseil d'administration de ladite société.

(95-15 I, 18 janvier 1996, cons. 3, Journal officiel du 24 janvier 1996, page 1183)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.8. Cas particulier des administrateurs (L.O. 147)

La société pour la réalisation de la liaison fluviale Saône-Rhin (Sorelif Saône-Rhin), qui a notamment pour mission de collecter les sommes nécessaires à la construction du canal à grand gabarit destiné à relier la Saône au Rhin, est habilitée à recevoir les concours des collectivités locales et établissements publics locaux intéressés, ainsi que des fonds nationaux et européens. Dès lors que ces avantages financiers ne résultent pas de l'application automatique d'une législation ou d'une réglementation générale, cette société entre dans le champ d'application du 1° de l'article L.O. 146 du code électoral. En conséquence, l'article L.O. 147 du même code s'oppose à ce qu'un député accepte en cours de mandat d'exercer les fonctions de membre du conseil d'administration de ladite société.

(95-15 I, 18 janvier 1996, cons. 3, Journal officiel du 24 janvier 1996, page 1183)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.2. Incompatibilités
  • 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
  • 10.1.2.4.9. Cas particulier des élus désignés ès qualités (L.O. 148)

Dès lors que la société pour la réalisation de la liaison fluviale Saône-Rhin (Sorelif Saône-Rhin) est une société par actions simplifiée régie par l'ensemble des dispositions législatives ou réglementaires de droit commun auxquelles est assujetti ce type de société et que ses statuts prévoient des modalités de distribution des bénéfices réalisés, elle ne saurait être regardée comme " n'ayant pas pour objet propre de faire ni de distribuer des bénéfices " au sens du premier alinéa de l'article L.O. 148 du code électoral. Cette société ne constitue par ailleurs pas une " société d'économie mixte d'équipement régional ou local " au sens du deuxième alinéa du même article. En conséquence, la situation du député concerné n'entre pas dans le champ d'application de l'exception prévue par l'article L.O. 148 au profit des députés membres d'un conseil général ou d'un conseil municipal désignés par ces conseils pour représenter le département ou la commune dans certains organismes ou sociétés.

(95-15 I, 18 janvier 1996, cons. 4, Journal officiel du 24 janvier 1996, page 1183)
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