Décision

Décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994

Loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, en premier lieu, le 8 juin 1994, par MM Martin Malvy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Didier Boulaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Jean-Pierre Braine, Laurent Cathala, Jean-Pierre Chevènement, Camille Darsières, Henri d'Attilio, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Garmendia, Kamilo Gata, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Frédéric Jalton, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Marius Masse, Didier Mathus, Jacques Mellick, Louis Mexandeau, Jean-Pierre Michel, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Georges Sarre, Henri Sicre, Roger-Gérard Schwartzenberg, Daniel Vaillant, Michel Fromet, Régis Fauchoit et Gérard Saumade, députés, et, en second lieu, le 9 juin 1994, par MM Claude Estier, René Regnault, Jacques Carat, Mme Josette Durrieu, MM Léon Fatous, Marcel Bony, Jean Peyrafitte, Germain Authié, Claude Cornac, Gérard Miquel, Jean-Pierre Demerliat, Michel Dreyfus-Schmidt, Louis Philibert, Fernand Tardy, Marcel Charmant, Roger Quilliot, Guy Penne, Philippe Labeyrie, Michel Manet, Francis Cavalier-Benezet, Albert Pen, Pierre Biarnes, Philippe Madrelle, Michel Sergent, Jean-Luc Melenchon, Michel Charasse, Jean-Louis Carrère, Paul Loridant, Roland Bernard, William Chervy, Michel Moreigne, Bernard Dussaut, Claude Saunier, Raymond Courrière, Robert Laucournet, Jacques Bialski, Gérard Gaud, Marcel Vidal, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM François Autain, Charles Metzinger, Roland Huguet, René-Pierre Signe, Franck Sérusclat, Aubert Garcia, Gérard Roujas, Mme Françoise Seligmann, MM Guy Allouche, Robert Castaing, Paul Raoult, Roland Courteau, Louis Perrein, Jacques Bellanger, François Louisy, André Vezinhet, Tony Larue, Jean Besson, André Rouvière, Claude Fuzier, Rodolphe Desiré et Mme Marie-Madeleine Dieulangard, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;

Vu le code électoral ;

Vu le décret n° 64-231 du 14 mars 1964 modifié pris pour l'application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les députés auteurs de la première saisine comme les sénateurs auteurs de la seconde saisine soutiennent que les articles 1er et 2 de la loi déférée ne sont pas conformes à la Constitution ; que l'article 3 et dernier de cette loi ayant pour seul objet d'en prévoir l'application dans les territoires d'outre- mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, ils font valoir que ladite loi est dans son ensemble contraire à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 1ER :

2. Considérant que l'article 1er prévoit que, par dérogation aux dispositions de l'article L. 227 du code électoral, le prochain renouvellement des conseillers municipaux aura lieu en juin 1995 et que le mandat de ceux-ci sera soumis à renouvellement en mars 2001 ;

3. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que le report du renouvellement des conseils municipaux n'est pas nécessaire et que d'autres modifications du calendrier électoral étaient envisageables ; qu'ils mettent en cause la proximité des élections municipales ainsi reportées par rapport à l'élection présidentielle qui se déroulerait alors antérieurement ; qu'ils font valoir que, dès lors, la loi déférée porte atteinte à l'exercice du droit de suffrage ainsi qu'à la libre administration des collectivités locales et qu'en outre les conditions dans lesquelles se succéderaient l'élection présidentielle et les élections municipales traduisent un détournement de pouvoir et sont génératrices d'inégalités entre les candidats ; qu'ils affirment enfin que la loi comporte une « violation caractérisée de l'esprit, sinon de la lettre, de l'article 12 de la Constitution » ; que les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent que le report des élections municipales ne présente pas les garanties d'objectivité et de clarté qui doivent s'attacher à toute consultation électorale et, par suite, porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales ; que par ailleurs la différence de durée entre le mandat des conseillers municipaux qui se trouverait prorogé et celui des conseillers municipaux à élire lors du renouvellement général des conseils méconnaîtrait le principe d'égalité ;

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi » ; que le deuxième alinéa du même article dispose que « Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi » ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution, le Sénat, qui est élu au suffrage indirect, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » ; que, selon le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, le suffrage « est toujours universel, égal et secret » ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions constitutionnelles ci-dessus rappelées que le législateur, compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales, peut, sous réserve du respect des dispositions et principes de valeur constitutionnelle, librement modifier ces règles ; que la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient donc pas de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à ces objectifs ;

6. Considérant en outre que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;

7. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi que le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en oeuvre de l'organisation de l'élection présidentielle prévue en 1995 ; que cette prorogation et par suite la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire a été limitée à trois mois et revêt un caractère exceptionnel ; que le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés ; que ce choix ne crée, dans son principe, ni dans ses modalités matérielles d'organisation, de confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations électorales ; que dans cette mesure l'article 1er de la loi n'apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d'égalité ;

- SUR L'ARTICLE 2 :

8. Considérant que cet article prévoit que pour le prochain renouvellement des conseils municipaux, la durée de la période pendant laquelle les candidats peuvent avoir recueilli des fonds dans les conditions prévues par l'article L. 52-4 du code électoral est portée à quinze mois ; qu'il doit s'interpréter comme prolongeant de trois mois la période déterminée par ce dernier article ; qu'il dispose par ailleurs que toutefois les comptes de campagne qui doivent être établis par les candidats ne retraceront au titre des dépenses que celles qui auront été engagées ou effectuées en vue de l'élection pendant la période mentionnée par ledit article ;

9. Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que la loi méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'elle aurait favorisé des candidats avertis par avance de la prorogation de durée ainsi prévue ; que les sénateurs mettent en cause également une violation du principe d'égalité des citoyens devant la loi au motif que certains candidats devront déposer des comptes de campagne retraçant leurs recettes et leurs dépenses sur douze mois alors que pour les autres candidats les comptes de campagne retraceraient les recettes sur quinze mois et les dépenses sur douze mois seulement ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé ci- dessus le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ;

11. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral applicable aux élections municipales : « Pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour du scrutin où l'élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue du financement de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique dénommée »le mandataire financier" ; que d'autre part les articles L. 52-5 et L. 52-6 du même code disposent respectivement que « L'association ne peut recueillir de fonds que pendant la période prévue à l'article L. 52-4 » et que « Le mandataire financier ne peut recueillir de fonds que pendant la période prévue à l'article L. 52-4 » ;

12. Considérant qu'en décidant la prolongation de trois mois ci-dessus mentionnée le législateur a entendu prendre en compte la circonstance que pendant la période séparant le 1er mars 1994 du 1er juin 1994, des associations de financement ont pu être constituées ou des mandataires désignés et que ceux-ci ont pu collecter des fonds conformément à la législation alors applicable ;

13. Considérant qu'il a toutefois décidé, notamment compte tenu du maintien du montant du plafond prévu par l'article L. 52-11 du code électoral, de ne pas modifier la période durant laquelle sont prises en compte les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection ; qu'ainsi les différences de situation susceptibles d'être créées répondent à la volonté du législateur d'assurer la mise en oeuvre des objectifs qu'il s'est fixés ; que dès lors les moyens tirés de violations du principe d'égalité doivent être écartés ;

Décide :
Article premier :
La loi relative à la date du renouvellement des conseillers municipaux n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 9 juillet 1994 page 9956
Recueil, p. 88
ECLI : FR : CC : 1994 : 94.341.DC

Les abstracts

  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.3. Respect du principe d'égalité : absence de différence de traitement
  • 5.1.3.10. Elections
  • 5.1.3.10.3. Prorogation de mandats électoraux

Le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en œuvre de l'organisation de l'élection présidentielle prévue en 1995. Cette prorogation et la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire ont été limitées à trois mois et revêtent un caractère exceptionnel. Le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés. Ce choix ne crée, dans son principe ni dans ses modalités matérielles d'organisation, de confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations électorales. Dans cette mesure l'article 1er de la loi n'apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d'égalité.

(94-341 DC, 06 juillet 1994, cons. 7, Journal officiel du 9 juillet 1994 page 9956)

En décidant la prolongation de trois mois de la période pendant laquelle les candidats aux élections municipales peuvent recueillir des fonds, le législateur a entendu prendre en compte la circonstance que, pendant la période séparant le 1er mars 1994 du 1er juin 1994, des associations de financement ont pu être constituées ou des mandataires désignés et que ceux-ci ont pu collecter des fonds conformément à la législation alors applicable. Il a toutefois décidé, notamment compte tenu du maintien du montant du plafond prévu par l'article L. 52-11 du code électoral, de ne pas modifier la période durant laquelle sont prises en compte les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Ainsi les différences de situation susceptibles d'être créées répondent à la volonté du législateur d'assurer la mise en œuvre des objectifs qu'il s'est fixés. Les griefs tirés de violations du principe d'égalité doivent être écartés.

(94-341 DC, 06 juillet 1994, cons. 12, Journal officiel du 9 juillet 1994 page 9956)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.1. PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL
  • 8.1.1. Droits et libertés de l'électeur
  • 8.1.1.3. Exercice du droit de suffrage
  • 8.1.1.3.1. Fréquence de l'exercice du droit de suffrage
  • 8.1.1.3.1.3. Prorogation de mandats électoraux

Le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en œuvre de l'organisation de l'élection présidentielle prévue en 1995. Cette prorogation et la réduction du mandat des conseillers municipaux à élire ont été limitées à trois mois et revêtent un caractère exceptionnel. Le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés. Ce choix ne crée, dans son principe ni dans ses modalités matérielles d'organisation, de confusion dans l'esprit des électeurs avec d'autres consultations électorales. Dans cette mesure, l'article 1er de la loi n'apparaît contraire ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution, ni au principe de libre administration des collectivités locales, ni au principe d'égalité.

(94-341 DC, 06 juillet 1994, cons. 7, Journal officiel du 9 juillet 1994 page 9956)

En décidant la prolongation de trois mois de la période pendant laquelle les candidats aux élections municipales peuvent recueillir des fonds, le législateur a entendu prendre en compte la circonstance que pendant la période séparant le 1er mars 1994 du 1er juin 1994, des associations de financement ont pu être constituées ou des mandataires désignés et que ceux-ci ont pu collecter des fonds conformément à la législation alors applicable. Il a toutefois décidé, notamment compte tenu du maintien du montant du plafond prévu par l'article L. 52-11 du code électoral, de ne pas modifier la période durant laquelle sont prises en compte les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Ainsi les différences de situation susceptibles d'être créées répondent à la volonté du législateur d'assurer la mise en œuvre des objectifs qu'il s'est fixés. Les griefs tirés de violations du principe d'égalité doivent être écartés.

(94-341 DC, 06 juillet 1994, cons. 12, Journal officiel du 9 juillet 1994 page 9956)
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