Décision

Décision n° 93-1248/1339 AN du 22 septembre 1993

A.N., Gironde (3ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Noël Mamère, demeurant à Bègles (Gironde), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 7 avril 1993 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 3e circonscription de la Gironde pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le complément de requête présenté par M. Noël Mamère et enregistré comme ci-dessus le 8 juin 1993 ;

Vu la requête présentée par M. Francis Verdière, demeurant à Bouleurs (Seine-et-Marne), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 avril 1993 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 3e circonscription de la Gironde pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus les 2 et 22 juin 1993 ;

Vu le mémoire en réplique aux observations du ministre de l'intérieur de M. Mamère, enregistré comme ci-dessus le 9 juillet 1993 ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi no 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les requêtes de MM. Noël Mamère et Francis Verdière sont dirigées contre les mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

2. Considérant que M. Mamère, candidat de « l'Entente des écologistes », est arrivé en troisième position avec un nombre de voix inférieur à 12,5 p. 100 des électeurs inscrits dans la 3e circonscription du département de la Gironde ; qu'il soutient qu'il a été empêché de se maintenir au second tour à la suite de manoeuvres frauduleuses et d'irrégularités qui ont affecté ses propres résultats et la sincérité du scrutin ; qu'en particulier il fait valoir que les candidatures de Mme Joëlle Coycaut et de M. François Verdière, respectivement candidats des « Nouveaux Ecologistes » et de « Génération verte », seraient irrégulières et que l'intitulé de leurs mouvements aurait été utilisé à seule fin de tromper les électeurs ;

3. Considérant que M. Verdière a déposé à la préfecture, dans les délais légaux, sa candidature pour l'élection qui s'est déroulée le 21 mars 1993 dans la 3e circonscription du département de la Gironde ; que les bulletins de vote en sa faveur portaient la mention « Génération verte » que, M. Mamère estimant que cette dénomination et le graphisme employés sur lesdits bulletins de vote étaient de nature à entraîner une confusion dans l'esprit des électeurs entre le mouvement « Génération Ecologie », qui lui apportait son soutien, et l'étiquette choisie par M. Verdière, a saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Bordeaux afin d'obtenir le retrait des bulletins de vote litigieux et qu'il soit interdit à M. Verdière d'utiliser sur tout document électoral la mention « Génération verte » que le président dudit tribunal, par une ordonnance de référé en date du 19 mars 1993,
a fait interdiction à M. Verdière d'utiliser la dénomination « Génération verte », a enjoint le retrait de tous « documents, bulletins de vote ou affiches portant le titre »Génération verte" ", et a ordonné leur mise sous séquestre ;

4. Considérant que M. Verdière fait valoir devant le Conseil constitutionnel que cette décision de l'autorité judiciaire, qui n'avait pas compétence pour intervenir dans le déroulement des opérations préliminaires à une élection législative, l'a privé des suffrages de nombreux électeurs dès lors qu'il n'a pas eu matériellement le temps de substituer d'autres bulletins à ceux mis sous séquestre et que les électeurs n'avaient donc pas le choix de ces bulletins dans les bureaux de vote ;

5. Considérant que la diffusion des circulaires et des bulletins de vote des candidats à une élection législative constituent des actes préliminaires aux opérations électorales qui, en l'état de la législation, ne peuvent être contestées que devant le Conseil constitutionnel, juge de l'élection ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux juridictions judiciaires d'enjoindre à un candidat de cesser d'utiliser une dénomination figurant sur des documents électoraux et, a fortiori, d'ordonner la mise sous séquestre de ses bulletins, le privant ainsi de la possibilité de participer utilement au scrutin ;

6. Considérant toutefois que l'utilisation de la dénomination « Génération verte » était de nature à susciter la confusion dans l'esprit des électeurs, avec les dénominations « Génération Ecologie » et « Les Verts » déjà utilisées ; que ce risque de confusion était encore aggravé par le choix du graphisme employé sur les documents électoraux ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'intervention de l'ordonnance susmentionnée ne saurait être considérée comme ayant eu pour effet d'altérer la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs tirés d'irrégularités relatives aux déclarations de candidatures :

7. Considérant qu'en dehors des cas prévus à l'article L.O. 160 du code électoral le préfet ne peut pas refuser l'enregistrement d'une candidature ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique la déclaration de rattachement à un parti ou groupement de partis qu'indique un candidat à l'élection législative est une formalité facultative qui ne lie pas le candidat pour le choix de son étiquette électorale ;

9. Considérant en outre qu'en application des articles L. 154, L. 155 et R. 99 du code électoral un candidat n'est pas tenu de mentionner sur sa déclaration de candidature une affiliation ou une étiquette politique ;

10. Considérant que si, en application de l'article L. 158 du code électoral, le cautionnement est une formalité substantielle de la déclaration de candidature, il ne résulte pas de ce texte que le candidat doive s'acquitter lui-même de cette obligation ; que la caution de Mme Coycaut a été versée en son nom au trésorier-payeur général ; que dès lors cette déclaration n'est pas entachée d'irrégularité

Sur les griefs tirés de manoeuvres frauduleuses :

11. Considérant que la référence à l'écologie, terme passé dans le langage politique courant, figurant comme titre sur les affiches et bulletins de vote d'autres candidats, ne saurait être considérée comme l'expression d'une concurrence déloyale ayant créé un préjudice particulier ou exclusif au candidat de « l'Entente des écologistes » qu'en outre il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier la sincérité de l'adhésion des candidats aux idées dont ils se réclament ;

12. Considérant en revanche que, tant par l'intitulé de sa candidature « Génération verte » que par le graphisme de ses bulletins de vote et affiches, M. Verdière a cherché à imiter les documents de propagande de « l'Entente des écologistes », mais qu'en raison des circonstances de l'espèce évoquées ci-dessus ces agissements constitutifs d'une manoeuvre ne sauraient avoir mis en cause le résultat de l'élection ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de MM. Mamère et Verdière ne sauraient être accueillies,

Décide :
Article premier :
Les requêtes de MM. Noël Mamère et Francis Verdière sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 1993, où siégeaient MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président,
Robert BADINTER

Journal officiel du 28 septembre 1993, page 13488
Recueil, p. 270
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1248.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.2. Cautionnement

Si, en application de l'article L. 158 du code électoral, le cautionnement est une formalité substantielle de la déclaration de candidature, il ne résulte pas de ce texte que le candidat doive s'acquitter lui-même de cette obligation, la caution pouvant être versée en son nom.

(93-1248/1339 AN, 22 septembre 1993, cons. 8, Journal officiel du 28 septembre 1993, page 13488)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.3. Déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3. Recevabilité de la déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3.2. Recours du préfet devant le tribunal administratif (voir également : Déclaration de candidature - Candidatures de liste - Refus de déclaration de candidature)

En dehors du cas prévu à l'article L.O. 160 du code électoral, il n'appartient pas au préfet de refuser l'enregistrement d'une candidature.

(93-1248/1339 AN, 22 septembre 1993, cons. 7, Journal officiel du 28 septembre 1993, page 13488)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.3. Déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3. Recevabilité de la déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3.3. Incompétence du juge judiciaire

Il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la validité d'une déclaration de candidature, qui constitue un acte préliminaire aux opérations électorales.

(93-1248/1339 AN, 22 septembre 1993, cons. 5, Journal officiel du 28 septembre 1993, page 13488)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
  • 8.3.4.2.1. Appartenance ou " étiquette " politique

Il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier la sincérité de l'adhésion des candidats aux idées dont ils se réclament. La référence à l'écologie, choisie par plusieurs candidats, ne saurait être considérée comme l'expression d'une concurrence déloyale.

(93-1248/1339 AN, 22 septembre 1993, cons. 11, Journal officiel du 28 septembre 1993, page 13488)
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