Décision

Décision n° 93-1240/1358 AN du 22 septembre 1993

A.N., Yvelines (2ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Dominique Julien-Labruyère, demeurant à Trappes (Yvelines), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 7 avril 1993 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans la 2e circonscription du département des Yvelines les 21 et 28 mars 1993 pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu la requête présentée par M. Jean-François Cordet, demeurant à Beaune (Côte-d'Or), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 avril 1993 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans la 2e circonscription du département des Yvelines les 21 et 28 mars 1993 pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire en défense de M. Franck Borotra, enregistré comme ci-dessus le 22 avril 1993 ;

Vu les mémoires en réplique de M. Dominique Julien-Labruyère, enregistrés comme ci-dessus les 11 mai et 8 juin 1993 ;

Vu les observations du ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus les 2 et 24 juin 1993 ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment son article 33 ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi no 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les requêtes de MM. Julien-Labruyère et Cordet sont dirigées contre les mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

2. Considérant que le candidat de l'Entente des écologistes, M. Julien-Labruyère, arrivé en troisième position avec un nombre de voix inférieur à 12,5 p. 100 des électeurs inscrits dans la 2e circonscription du département des Yvelines, soutient qu'il a été victime de manoeuvres frauduleuses et d'irrégularités qui ont affecté ses propres résultats et la sincérité du scrutin ; qu'en particulier il fait valoir que les déclarations de candidature de Mme Garcia et de M. Cordet, respectivement candidats des Nouveaux Ecologistes et de Génération verte seraient irrégulières et que l'intitulé de leur mouvement aurait été utilisé à seule fin de tromper les électeurs ;

3. Considérant que M. Cordet a déposé à la préfecture, dans les délais légaux, sa candidature pour l'élection qui s'est déroulée le 21 mars 1993 dans la 2e circonscription du département des Yvelines ; que les bulletins de vote en sa faveur portaient la mention « Génération verte » que M. Julien-Labruyère, estimant que cette dénomination et le graphisme employés sur lesdits bulletins de vote étaient de nature à entraîner une confusion dans l'esprit des électeurs entre le mouvement Génération Ecologie qui lui apportait son soutien et l'étiquette choisie par M. Cordet, a saisi en référé le juge judiciaire afin d'obtenir le retrait des bulletins de vote litigieux et qu'il soit interdit à M. Cordet d'utiliser sur tout document électoral la mention « Génération verte » que la cour d'appel de Versailles, par un arrêt du 19 mars 1993,
a enjoint à M. Cordet de cesser d'utiliser sur ses documents électoraux et bulletins de vote la mention « Génération verte » dans son graphisme actuel et a ordonné l'affichage de cette décision dans les bureaux de vote ;

4. Considérant que M. Cordet fait valoir devant le Conseil constitutionnel que cette décision de l'autorité judiciaire, qui n'avait pas compétence pour intervenir dans le déroulement des opérations préliminaires à une élection législative, l'a privé des suffrages de nombreux électeurs ;

5. Considérant qu'il n'appartenait pas à la cour d'appel de Versailles d'enjoindre à un candidat de cesser d'utiliser une dénomination sur ses documents électoraux et bulletins de vote ; que, toutefois, l'utilisation de la dénomination « Génération verte » était de nature à susciter la confusion dans l'esprit des électeurs, avec les dénominations « Génération Ecologie » et « Les Verts » déjà utilisées ; que ce risque de confusion était encore aggravé par le choix du graphisme employé sur les documents électoraux ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'intervention de l'arrêt de la cour de Versailles n'a pas eu pour effet d'altérer la sincérité du scrutin ;

Sur les griefs tirés d'irrégularités relatives aux déclarations de candidatures :

6. Considérant que, en dehors du cas prévu à l'article L.O. 160 du code électoral, le préfet ne peut pas refuser l'enregistrement d'une candidature ;

7. Considérant que, aux termes de l'article 9 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, la déclaration de rattachement à un parti ou groupement de partis qu'indique un candidat à l'élection législative est une formalité facultative qui ne lie pas le candidat pour le choix de son étiquette électorale ;

8. Considérant en outre qu'en application des articles L. 154, L. 155 et R. 99 du code électoral un candidat n'est pas tenu de mentionner sur sa déclaration de candidature une affiliation ou une étiquette politique ;

9. Considérant par ailleurs qu'aux termes des articles L. 166, L. 167, R. 37 et R. 38 du code électoral M. Cordet et Mme Garcia n'étaient pas tenus d'adresser leurs documents électoraux à la commission de propagande de leur circonscription ;

10. Considérant que si, en application de l'article L. 158 du code électoral, le cautionnement est une formalité substantielle de la déclaration de candidature, il ne résulte pas de ce texte que le candidat doive s'acquitter lui-même de cette obligation ; que la caution de Mme Garcia a bien été versée en son nom au trésorier-payeur général et que de ce fait cette déclaration n'est pas entachée d'irrégularité

Sur les griefs tirés d'une manoeuvre frauduleuse :

11. Considérant que la référence à l'écologie, terme passé dans le langage politique courant, figurant comme titre sur les affiches et bulletins de vote d'autres candidats, ne saurait être considérée comme l'expression d'une concurrence déloyale ayant créé un préjudice particulier ou exclusif au candidat de l'Entente des écologistes ; qu'en outre il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier la sincérité de l'adhésion des candidats aux idées dont ils se réclament ;

12. Considérant en revanche que, tant par l'intitulé de sa candidature Génération verte que par le graphisme de ses bulletins de vote et affiches, M. Cordet a cherché à imiter les documents de propagande de l'Entente des écologistes, mais que ces agissements constitutifs d'une manoeuvre ne sauraient dans les circonstances de l'espèce et compte tenu du faible nombre de voix obtenues par M. Cordet avoir mis en cause le résultat de l'élection ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de MM. Julien-Labruyère et Cordet ne sauraient être accueillies,

Décide :
Article premier :
Les requêtes de MM. Dominique Julien-Labruyère et Jean-François Cordet sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 septembre 1993 où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président,
Robert BADINTER

Journal officiel du 26 septembre 1993, page 13387
Recueil, p. 255
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1240.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.2. Cautionnement

Si, en application de l'article L. 158 du code électoral, le cautionnement est une formalité substantielle de la déclaration de candidature, il ne résulte pas de ce texte que le candidat doive s'acquitter lui-même de cette obligation, la caution pouvant être versée en son nom.

(93-1240/1358 AN, 22 septembre 1993, cons. 10, Journal officiel du 26 septembre 1993, page 13387)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.3. Déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3. Recevabilité de la déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3.2. Recours du préfet devant le tribunal administratif (voir également : Déclaration de candidature - Candidatures de liste - Refus de déclaration de candidature)

En dehors du cas prévu à l'article L.O. 160 du code électoral, il n'appartient pas au préfet de refuser l'enregistrement d'une candidature.

(93-1240/1358 AN, 22 septembre 1993, cons. 6, Journal officiel du 26 septembre 1993, page 13387)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.3. Déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3. Recevabilité de la déclaration de candidature
  • 8.3.2.3.3.3. Incompétence du juge judiciaire

Il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la validité d'une déclaration de candidature, qui constitue un acte préliminaire aux opérations électorales.

(93-1240/1358 AN, 22 septembre 1993, cons. 4, Journal officiel du 26 septembre 1993, page 13387)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
  • 8.3.4.2.1. Appartenance ou " étiquette " politique

Il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier la sincérité de l'adhésion des candidats aux idées dont ils se réclament. La référence à l'écologie, choisie par plusieurs candidats, ne saurait être considérée comme l'expression d'une concurrence déloyale.

(93-1240/1358 AN, 22 septembre 1993, cons. 11, Journal officiel du 26 septembre 1993, page 13387)
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