Décision

Décision n° 91-299 DC du 2 août 1991

Loi relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 6 juillet 1991, par MM Daniel Hoeffel, Paul Alduy, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, René Ballayer, Bernard Barraux, Daniel Berdardet, Claude Belot, François Blaizot, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Raymond Bouvier, Jean-Pierre Cantegrit, Louis de Catuelan, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Francisque Collomb, Marcel Daunay, André Daugnac, André Diligent, André Egu, Jean Faure, André Fosset, Jacques Genton, Henri G tschy, Jacques Golliet, Bernard Guyomard, Rémi Herment, Jean Huchon, Claude Huriet, Louis Jung, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Henri Le Breton, Jean Lecanuet, Edouard Le Jeune, Marcel Lesbros, Roger Lise, Jacques Machet, François Mathieu, Louis Mercier, Daniel Millaud, Louis Moinard, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Jacques Moutet, Bernard Pellarin, Roger Poudonson, Jean Pourchet, Guy Robert, Olivier Roux, Marcel Rudloff, Pierre Schiélé, Paul Séramy, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon, Albert Vecten, Xavier de Villepin, Louis Virapoullé, Michel Alloncle, Hubert d'Andigné, Henri Belcour, Jacques Braconnier, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Henri Collette, Jacques Delong, Michel Doublet, Philippe François, François Gerbaud, Hubert Haenel, Bernard Hugo, Roger Husson, Jean-François Le Grand, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Paul Moreau, Jean Natali, Paul d'Ornano, Alain Pluchet, Claude Prouvoyeur, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Jean Simonin, Martial Taugourdeau, Serge Vinçon, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée relative à la Cour des comptes ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958 réaffirme solennellement « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » ; qu'au nombre de ces principes, figure la liberté d'association ;

2. Considérant que les auteurs de la saisine invitent le Conseil constitutionnel à s'assurer que la loi soumise à son examen ne contient aucune disposition qui serait contraire à cette liberté constitutionnelle ;

- SUR L'ARTICLE 1er PORTANT INSTITUTION D'UN CONGE DE REPRESENTATION EN FAVEUR D'UNE CATEGORIE DE SALARIES :

3. Considérant que l'article 1er instaure, en l'absence de dispositions législatives particulières existant à la date d'entrée en vigueur de la loi, un droit à congé pour les salariés membres d'une association et désignés par celle-ci pour siéger au sein d'une instance, consultative ou non, instituée par une disposition législative ou réglementaire auprès d'une autorité de l'État à l'échelon national, régional ou départemental ;

4. Considérant que les règles applicables au congé de représentation reposent sur des critères objectifs ; qu'elles ne portent en rien atteinte à la liberté d'association ;

5. Considérant que l'article 1er de la loi vise notamment le salarié membre d'une association inscrite au registre des associations en application de la loi du 19 avril 1908 relative « au contrat d'association dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle » ; que le particularisme du droit local ne procède pas de l'article 1er de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ; que la loi déférée ne modifie, ne complète ni n'affecte le domaine d'intervention de la loi du 19 avril 1908 ; que la mention de ce dernier texte ne saurait, en tout état de cause, entacher la loi présentement examinée d'inconstitutionnalité ;

- SUR L'ARTICLE 2 INSTITUANT UNE PROTECTION SOCIALE EN CAS D'ACCIDENT :

6. Considérant que l'article 2 de la loi rend applicables aux salariés qui ont droit au congé de représentation en vertu de l'article 1er, les dispositions législatives relatives à la protection contre les accidents du travail et assimilés, pour les accidents survenus par le fait ou à l'occasion de leurs missions, dans la mesure où ils ne bénéficient pas à un autre titre desdites dispositions ;

7. Considérant que l'article 2, dont le champ d'application est défini par les mêmes critères objectifs que ceux adoptés par l'article 1er de la loi, n'est nullement contraire à la liberté d'association ;

- SUR LES DISPOSITIONS SOUMETTANT A UNE DECLARATION PREALABLE CERTAINES FORMES D'APPEL A LA GENEROSITE PUBLIQUE :

8. Considérant que l'article 3 dispose, dans son premier alinéa, que « les organismes qui, afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l'environnement, souhaitent faire appel à la générosité publique dans le cadre d'une campagne menée à l'échelon national soit sur la voie publique, soit par l'utilisation de moyens de communication, sont tenus d'en faire la déclaration préalable auprès de la préfecture du département de leur siège social » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 3, « cette déclaration précise les objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique » ; que le troisième alinéa de l'article 3 indique que « les organismes effectuant plusieurs campagnes successives peuvent procéder à une déclaration annuelle » ; que, dans son quatrième alinéa, l'article 3 énonce les moyens et procédés de communication susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'une campagne d'appel à la générosité publique menée à l'échelon national ; qu'enfin, dans son article 7, la loi laisse à un décret en Conseil d'État le soin de préciser ses conditions d'application et de fixer notamment « les modalités de la déclaration prévue à l'article 3 » ;

9. Considérant que la déclaration préalable exigée par l'article 3 de la loi a pour seul objet de porter à la connaissance de l'autorité administrative « les objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique » ; que, par cette formalité, le législateur a cherché uniquement à permettre l'exercice ultérieur d'un contrôle sur l'emploi des ressources collectées auprès du public ; qu'il n'a pas entendu conférer en la matière au préfet un pouvoir d'autorisation ; qu'il suit de là que les dispositions soumettant à une déclaration préalable certaines formes d'appel à la générosité publique ne sont pas contraires à la liberté d'association ;

- SUR LES DISPOSITIONS ORGANISANT UN CONTROLE SUR L'EMPLOI DES RESSOURCES COLLECTEES AUPRES DU PUBLIC DANS LE CADRE D'UNE CAMPAGNE NATIONALE :

10. Considérant que le premier alinéa de l'article 4 de la loi fait obligation aux organismes visés à l'article 3 d'établir « un compte d'emploi annuel des ressources collectées auprès du public, qui précise notamment l'affectation des dons par type de dépenses » ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 4, le compte d'emploi « est déposé au siège social de l'organisme ; il peut être consulté par tout adhérent ou donateur de cet organisme qui en fait la demande » ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 4, « les modalités de présentation de ce compte d'emploi sont fixées par arrêté du Premier ministre pris après avis d'une commission consultative composée de représentants des ministères concernés, de la Cour des comptes et des associations » ; que ces dernières dispositions doivent se combiner avec celles de l'article 7 de la loi qui chargent un décret en Conseil d'État d'en préciser les conditions d'application ; qu'il reviendra notamment à ce décret de préciser la composition et les modalités de consultation de la commission instituée par l'article 4, alinéa 3 ;

11. Considérant que l'article 5 de la loi déférée ajoute à l'article 1er de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 relative à la Cour des comptes, tel qu'il a été modifié et complété par la loi n° 76-539 du 22 juin 1976 et par la loi n° 82-594 du 10 juillet 1982, un alinéa supplémentaire ; qu'en vertu de cet alinéa, la Cour des comptes peut exercer « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, un contrôle du compte d'emploi des ressources collectées auprès du public, dans le cadre de campagnes menées à l'échelon national par les organismes visés » à l'article 3 de la loi présentement examinée, « afin de vérifier la conformité des dépenses engagées par ces organismes aux objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique » ;

12. Considérant que selon l'article 6 de la loi, les observations formulées par la Cour des comptes, en application de l'article 5, sont adressées au président de chacun des organismes mentionnés à l'article 3, qui est tenu de les communiquer au conseil d'administration et à l'assemblée générale lors de la première réunion qui suit ;

13. Considérant que, d'après l'article 7 de la loi, le décret en Conseil d'État prévu à l'article 5 a notamment pour objet de fixer les modalités du contrôle exercé par la Cour des comptes et celles de la publicité des observations formulées à l'occasion de ce contrôle ;

14. Considérant qu'il ressort de ces diverses dispositions que l'obligation faite aux organismes visés par l'article 3 de la loi d'établir un compte d'emploi annuel des ressources collectées auprès du public n'a d'autre objet que de permettre aux adhérents de cet organisme, ainsi qu'aux donateurs, qu'ils soient identifiables ou indifférenciés, d'être en mesure de s'assurer de la conformité des dépenses engagées par l'organisme aux objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique ; que si l'article 5 de la loi investit la Cour des comptes d'une mission de contrôle portant sur ce dernier point, ses modalités d'exercice résulteront, non de l'ensemble des prérogatives conférées à cette institution par la loi du 22 juin 1967, mais des règles spécifiques édictées par décret en Conseil d'État, dans le respect de la liberté d'association ; que les observations éventuellement formulées par la Cour des comptes auront pour objectif essentiel de fournir aux différents responsables de la gestion de l'organisme des éléments d'information, comme l'exige l'article 6 de la loi, tout en leur laissant le soin d'en tirer les conséquences ; qu'au surplus, la publicité des observations ne peut intervenir qu'une fois assurée l'information des responsables des organismes mentionnés à l'article 3 de la loi ;

15. Considérant que les dispositions de la loi organisant un contrôle sur l'emploi des ressources collectées auprès du public dans le cadre d'une campagne nationale ne constituent pas une entrave à la liberté d'association et ne portent atteinte à aucun autre principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

Décide :
Article premier :
La loi relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 6 août 1991, page 10473
Recueil, p. 124
ECLI : FR : CC : 1991 : 91.299.DC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.15. LIBERTÉ D'ASSOCIATION
  • 4.15.1. Portée du principe

Droit à congé pour les salariés membres d'une association et désignés par celle-ci pour siéger au sein d'une instance, consultative ou non, instituée par une disposition législative ou réglementaire auprès d'une autorité de l'État à l'échelon national, régional ou départemental. Les règles applicables au congé de représentation reposent sur des critères objectifs. Elles ne portent en rien atteinte à la liberté d'association. Les salariés membres d'une association et désignés par celle-ci pour siéger au sein d'une instance, ont droit à un congé de représentation et sont protégés contre les accidents du travail et assimilés, pour les accidents survenus par le fait ou à l'occasion de leurs missions, dans la mesure où ils ne bénéficient pas à un autre titre desdites dispositions. Ces règles instituant une protection sociale en cas d'accident, ayant un champ d'application défini par les mêmes critères objectifs que ceux adoptés pour la détermination du champ d'application du droit à congé ne sont nullement contraires à la liberté d'association.

(91-299 DC, 02 août 1991, cons. 3, 4, 5, Journal officiel du 6 août 1991, page 10473)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.15. LIBERTÉ D'ASSOCIATION
  • 4.15.2. Régime juridique de création
  • 4.15.2.1. Principe général

Disposition législative prévoyant que les organismes qui, afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l'environnement, souhaitent faire appel à la générosité publique dans le cadre d'une campagne menée à l'échelon national soit sur la voie publique, soit par l'utilisation de moyens de communication, sont tenus d'en faire la déclaration préalable auprès de la préfecture du département de leur siège social. Cette déclaration préalable a pour seul objet de porter à la connaissance de l'autorité administrative les objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique. Par cette formalité, le législateur a cherché uniquement à permettre l'exercice ultérieur d'un contrôle sur l'emploi des ressources collectées auprès du public. Il n'a pas entendu conférer en la matière au préfet un pouvoir d'autorisation. Il suit de là que les dispositions soumettant à une déclaration préalable certaines formes d'appel à la générosité publique ne sont pas contraires à la liberté d'association.

(91-299 DC, 02 août 1991, cons. 9, Journal officiel du 6 août 1991, page 10473)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.15. LIBERTÉ D'ASSOCIATION
  • 4.15.3. Ressources et régime fiscal

L'obligation faite aux associations faisant appel à la générosité publique d'établir un compte d'emploi annuel des ressources collectées auprès du public n'a d'autre objet que de permettre aux adhérents de ces associations, ainsi qu'aux donateurs, qu'ils soient identifiables ou indifférenciés, d'être en mesure de s'assurer de la conformité des dépenses engagées par l'organisme aux objectifs poursuivis par l'appel à la générosité publique. Si une disposition législative investit la Cour des comptes d'une mission de contrôle portant sur ce dernier point, ses modalités d'exercice résulteront, non de l'ensemble des prérogatives conférées à cette institution par la loi du 22 juin 1967 mais des règles spécifiques édictées par décret en Conseil d'État, dans le respect de la liberté d'association. Les observations éventuellement formulées par la Cour des comptes auront pour objectif essentiel de fournir aux différents responsables de la gestion de l'organisme des éléments d'information comme l'exige la loi, tout en leur laissant le soin d'en tirer les conséquences. Au surplus, la publicité des observations ne peut intervenir qu'une fois assurée l'information des responsables des associations faisant appel à la générosité publique. Les dispositions de la loi organisant un contrôle sur l'emploi des ressources collectées auprès du public dans le cadre d'une campagne nationale ne constituent pas une entrave à la liberté d'association et ne portent atteinte à aucun autre principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle.

(91-299 DC, 02 août 1991, cons. 14, 15, Journal officiel du 6 août 1991, page 10473)
À voir aussi sur le site : Saisine par 60 sénateurs, Références doctrinales.
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