Décision

Décision n° 81-921 AN du 9 septembre 1981

A.N., Paris (13ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'article 3 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires ;

Vu le Code électoral ;

Vu la loi n°71-424 du 10 juin 1971 portant Code du service national ;

Vu le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 mai 1981 ;

Vu la requêté présentée par M. Henri MOREL-MAROGER, demeurant à Paris, 9, rue Poliveau, enregistrée le 24 juin l981t au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 juin 1981 dans la 13e circonscription de Paris pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'Intérieur, enregistrées le 9 juillet 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance susvisée du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires : « Nul ne peut être élu au Parlement s'il n'a définitivement satisfait aux prescriptions concernant le service militaire actif » ; que cette disposition dont il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'un recours contre l'élection d'un député, d'apprécier la conformité à la Constitution ou à un principe général ayant valeur constitutionnelle, a pour effet de rendre inéligibles, aux élections pour la désignation des députés et des sénateurs, les personnes qui, à la date du premier tour de scrutin, accomplissent leurs obligations de service militaire actif ou les formes d'accomplissement du service national qui y ont été substituées ;

2. Considérant qu'à la date du premier tour de scrutin, M. Henri MOREL-MAROGER accomplissait son service national dans les conditions prévues par l'article L. 41 du Code du service national ; qu'ainsi il n'avait pas définitivement satisfait aux obligations d'activité que vise l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958 ; que, dès lors, c'est par une inexacte interprétation de la loi que le tribunal administratif de Paris l'a déclaré éligible et qu'il a été admis à participer, en qualité de candidat titulaire, au scrutin pour l'élection du député de la treizième circonscription de Paris ;

3. Considérant toutefois que M. Henri MOREL-MAROGER, n'ayant pas recueilli un nombre de suffrages égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits, n'a pu participer au second tour de scrutin à l'issue duquel Mme Questiaux a été élue ; que, compte tenu du nombre de voix recueillies au premier tour par M. Henri MOREL-MAROGER, sa présence n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, eu d'influence sur la désignation des candidats qui pouvaient légalement participer au second tour, ni sur l'ordre dans lequel ces derniers étaient parvenus à l'issue du premier tour et qui a déterminé les désistements à la suite desquels seuls deux candidats ont été en présence au second tour ; que, dans ces conditions, la présence de M. Henri MOREL-MAROGER n'a pu avoir d'influence sur le sens du scrutin ;

Décide :
Article premier :
Le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris en date du 27 mai 1981 est annulé.
Article 2 :
Le surplus des conclusions de la requête de M. Henri MOREL-MAROGER est rejetée.
Article 3 :
. - La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal Officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel, dans sa séance du mercredi 9 septembre 1981 où siégeaient : MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, LECOURT, BROUILLET, VEDEL, SEGALAT, PÉRETTI.

Journal officiel du 10 septembre 1981, page 2425
Recueil, p. 124
ECLI : FR : CC : 1981 : 81.921.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.2. Candidatures
  • 8.3.2.1. Conditions d'éligibilité
  • 8.3.2.1.4. Accomplissement des obligations du service national

Accomplissement des obligations d'activité du service national : les conditions d'éligibilité pour l'Assemblée nationale et le Sénat au regard des obligations du service national, sont régies par l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, qui dispose que " nul ne peut être élu au Parlement s'il n'a définitivement satisfait aux prescriptions concernant le service militaire actif ". Si l'article 92 de la Constitution n'a autorisé le Gouvernement à fixer, par des ordonnances ayant force de loi, le régime électoral des assemblées prévues par la Constitution que jusqu'à la mise en place des institutions que celle-ci prévoit, les textes pris en application de cet article ont un caractère permanent et demeurent en vigueur jusqu'à leur abrogation par un texte de même valeur juridique. Le remplacement du service militaire, auquel se réfère l'article 3 de l'ordonnance, par un service national pouvant être accompli suivant diverses modalités, au nombre desquelles figure notamment le service militaire, ne rend pas caduque, faute d'objet, les dispositions de l'article 3. Il convient d'interpréter cet article en fonction des nouvelles obligations d'activité que le code du service national a substituées à celles du service militaire antérieurement prévues par les lois sur le recrutement de l'armée. L'article 4 du code du service national, qui dispose que " nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par le présent code ", inséré au code électoral (article L. 45), est une disposition de portée générale s'appliquant à l'ensemble des fonctions publiques. Si elle ne rend pas inéligibles les personnes qui accomplissent les obligations du service national, elle laisse subsister, pour l'élection des parlementaires, les dispositions plus strictes de l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, laquelle a valeur de loi organique. Le décret portant codification des dispositions législatives et réglementaire concernant la législation électorale ne peut apporter aux textes en vigueur que les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification, à l'exclusion de toutes modifications de fond. Il en est de même de l'incorporation dans le code, chaque année, des textes législatifs modifiant certaines dispositions du code sans s'y référer expressément. Dès lors, si l'article L. 348 du code électoral mentionne, au nombre des dispositions législatives auxquelles se substitue ce code, les articles 1er à 5 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, cette disposition n'a pu avoir légalement pour effet d'abroger l'article 3 de ladite ordonnance pour lui substituer des dispositions contraires insérées dans le code électoral par le décret de codification. Sont donc inéligibles au Parlement les personnes qui, à la date du premier tour de scrutin, accomplissent leurs obligations d'activité du service national (en l'espèce, dans une formation de l'armée).

(81-921 AN, 09 septembre 1981, cons. 1, 2, 3, Journal officiel du 10 septembre 1981, page 2425)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.7. Contentieux - Compétence
  • 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.3.7.2.8. Conformité à la Constitution d'un texte législatif

Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi d'un recours contre l'élection d'un député, d'apprécier la conformité à la Constitution ou à un principe général ayant valeur constitutionnelle, de textes ayant le caractère de loi organique.

(81-921 AN, 09 septembre 1981, cons. 1, Journal officiel du 10 septembre 1981, page 2425)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.4. Irrégularités au premier tour sans incidence sur la situation des candidats pour le second
  • 8.3.11.1.4.1. Éligibilité

Un tribunal administratif a admis, à tort, à participer en qualité de candidat titulaire ou suppléant à une élection législative un citoyen qui, à la date du premier tour de scrutin accomplissait son service national dans les conditions prévues par l'article L. 41 du code du service national. La présence de ce candidat n'a pas eu, en l'espèce, d'influence sur la désignation des candidats pouvant légalement participer au second tour, ni sur l'ordre dans lequel ceux-ci étaient parvenus à l'issue du premier tour en vue des désistements à la suite desquels seuls deux candidats ont été en présence au second tour. Le jugement du tribunal administratif est annulé, la requête est rejetée.

(81-921 AN, 09 septembre 1981, cons. 2, Journal officiel du 10 septembre 1981, page 2425)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.2. Candidatures
  • 8.4.2.1. Conditions d'éligibilité
  • 8.4.2.1.4. Accomplissement des obligations du service national

Accomplissement des obligations d'activité du service national : les conditions d'éligibilité pour l'Assemblée nationale et le Sénat au regard des obligations du service national, sont régies par l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, qui dispose que " nul ne peut être élu au Parlement s'il n'a définitivement satisfait aux prescriptions concernant le service militaire actif ". Si l'article 92 de la Constitution n'a autorisé le Gouvernement à fixer, par des ordonnances ayant force de loi, le régime électoral des assemblées prévues par la Constitution que jusqu'à la mise en place des institutions que celle-ci prévoit, les textes pris en application de cet article ont un caractère permanent et demeurent en vigueur jusqu'à leur abrogation par un texte de même valeur juridique. Le remplacement du service militaire, auquel se réfère l'article 3 de l'ordonnance, par un service national pouvant être accompli suivant diverses modalités, au nombre desquelles figure notamment le service militaire, ne rend pas caduques, faute d'objet, les dispositions de l'article 3. Il convient d'interpréter cet article en fonction des nouvelles obligations d'activité que le code du service national a substituées à celles du service militaire antérieurement prévues par les lois sur le recrutement de l'armée. L'article 4 du code du service national, qui dispose que " nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par le présent code ", inséré au code électoral (article L. 45), est une disposition de portée générale s'appliquant à l'ensemble des fonctions publiques. Si elle ne rend pas inéligibles les personnes qui accomplissent les obligations du service national, elle laisse subsister, pour l'élection des parlementaires, les dispositions plus strictes de l'article 3 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, laquelle a valeur de loi organique. Le décret portant codification des dispositions législatives et réglementaires concernant la législation électorale ne peut apporter aux textes en vigueur que les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification, à l'exclusion de toutes modifications de fond. Il en est de même de l'incorporation dans le code, chaque année, des textes législatifs modifiant certaines dispositions du code sans s'y référer expressément. Dès lors, si l'article L. 348 du code électoral mentionne, au nombre des dispositions législatives auxquelles se substitue ce code, les articles 1er à 5 de l'ordonnance du 24 octobre 1958, cette disposition n'a pu avoir légalement pour effet d'abroger l'article 3 de ladite ordonnance pour lui substituer des dispositions contraires insérées dans le code électoral par le décret de codification. Sont donc inéligibles au Parlement les personnes qui, à la date du premier tour de scrutin, accomplissent leurs obligations d'activité du service national.

(81-921 AN, 09 septembre 1981, cons. 2, Journal officiel du 10 septembre 1981, page 2425)
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