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Manifestations extérieures du sens du vote lors du second tour de l'élection présidentielle

Certains électeurs auraient exprimé leur intention, lors du second tour de l'élection présidentielle, de manifester le sens de leur vote par une tenue ostentatoire, voire désobligeante.

Sans préjuger aucunement des décisions qu'il serait amené à prendre en tant que juge de l'élection, face à de tels comportements, le Conseil constitutionnel doit veiller à la régularité des opérations électorales. A cet égard, les précisions suivantes peuvent être apportées à ses délégués.

  1. Ces comportements seraient contraires au secret du suffrage, principe prévu par l'article 3 de la Constitution et rappelé à l'article L. 59 du code électoral. L'article L. 113 du même code soumet à des sanctions pénales, soit une amende de 15 000 euros et un emprisonnement d'un an ou l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura, par inobservation volontaire de la loi, violé ou tenté de violer le secret du vote.

Aux termes de l'article L 113 : « ... quiconque, soit dans une commission administrative ou municipale, soit dans un bureau de vote ou dans les bureaux des mairies, des préfectures ou sous-préfectures, avant, pendant ou après un scrutin, aura, par inobservation volontaire de la loi ou des arrêtés préfectoraux, (...). violé ou tenté de violer le secret du vote, porté atteinte ou tenté de porter atteinte à sa sincérité, empêché ou tenté d'empêcher les opérations du scrutin, ou qui en aura changé ou tenté de changer le résultat, sera puni d'une amende de 15 000 euros et d'un emprisonnement d'un an ou de l'une de ces deux peines seulement.
Si le coupable est fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, agent ou préposé du gouvernement ou d'une administration publique, ou chargé d'un ministère de service public ou président d'un bureau de vote, la peine sera portée au double »

Qui plus est, les attitudes en cause porteraient atteinte à la dignité du vote et seraient de nature à provoquer des désordres dans les bureaux de vote ou à leur voisinage.

Par ailleurs, une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'Etat regarde comme une pression ou une manoeuvre susceptible d'altérer la sincérité du scrutin, dans un bureau de vote, une « entente préalable » d'électeurs destinée à faire connaître le sens de leur vote (16 novembre 1888, Montferrier ; 18 mars 1893, Etain). La jurisprudence du Conseil constitutionnel est identique (par exemple, à propos du port de maillots dévoilant le sens du vote : 12 juillet 1978, A.N., Guadeloupe, 2e circ, Recueil page 203 ; 9 octobre 1981, A.N., Wallis-et-Futuna, Recueil page 176).

Enfin, dans l'hypothèse où elles seraient exposées aux caméras de télévision, leur diffusion avant la fin des opérations de vote pourrait s'analyser comme celle d'un message de propagande électorale et violerait l'article L.49 du code électoral. Une telle infraction est pénalement sanctionnée par l'article L.89, sans préjudice du pouvoir disciplinaire du C.S.A. à l'égard des services de communication audiovisuelle.

  1. Le président de chaque bureau de vote n'est pas seulement astreint à une obligation de neutralité lors du scrutin (cf. Conseil d'Etat, 8 mars 2002, élections municipales de la commune associée de Vairo).

Ayant la police de l'assemblée, il doit également veiller à ce que les opérations se déroulent dans l'ordre et la sérénité. A ce titre, il peut faire expulser de la salle de vote tout électeur qui troublerait le bon déroulement de la consultation. Il peut à cet effet requérir la force publique en vertu de l'article R.49 du code électoral.

Rappelons en outre que l'outrage fait par un électeur au bureau de vote ou à l'un des membres de celui-ci est passible des peines prévues à l'article L.102 du code électoral. Il en est de même des voies de fait ayant retardé ou empêché les opérations électorales.

  1. Les délégués du Conseil constitutionnel devront rappeler ces élements, le cas échéant, aux présidents de bureau de vote. Au cas où leurs observations ne seraient pas suivies d'effet, il conviendrait qu'ils en fassent rapport au Conseil constitutionnel, soit en portant une observation au procès-verbal du bureau de vote, soit par l'intermédiaire de la commission départementale de recensement, soit enfin, pour les faits les plus graves, directement auprès du Conseil.